L’ERTMS/ETCS est le système de signalisation ferroviaire européen, amené à remplacer tous les systèmes nationaux. Afin d’accompagner la migration, l’ERTMS/ETCS a été conçu pour cohabiter avec ces systèmes nationaux via des modules appelés STM. 20 ans plus tard, le STM censé faciliter la migration est devenu une contrainte.
Après le Niveau 1 virtuel, voici un deuxième article de la série Migration vers ERTMS/ETCS qui décrit comment le passage de STM matériels aux STM logiciels pourrait changer la donne.
Si vous n’êtes pas familier avec le système de signalisation européen ERTMS/ETCS, je vous recommande de lire en premier lieu l’article présentant ERTMS/ETCS.
ERTMS/ETCS : la signalisation ferroviaire interopérable
D’où provient le STM et à quoi sert-il ?
Le besoin : protéger les trains
Les circulations ferroviaires présentent cinq types de dangers, selon l’EPSF (Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire) :
- le déraillement : incident ou accident dans lequel un véhicule ferroviaire sort des rails, totalement ou partiellement et dont l’origine peut être diverse (avarie sur le matériel roulant ou l’infrastructure, vitesse excessive, etc.)
- le nez à nez : collision frontale entre deux trains ;
- le rattrapage : collision par l’arrière lorsqu’un train percute un autre train qui se trouve devant lui ;
- la prise en écharpe : collision latérale entre deux trains qui se produit à une intersection ou à une jonction de voies ;
- la collision avec un obstacle (éboulement sur la voie, véhicule routier présent sur un passage à niveau, etc.). [1]
Afin de pallier certains de ces dangers, les exploitants ferroviaires ont mis en place des solutions, comme les signaux implantés le long des voies, que le conducteur doit respecter. Sauf que cela ne suffit pas, car la vigilance du conducteur n’est pas assurée en permanence.
Les exploitants ont alors commencé à mettre en place des dispositifs de rattrapage, comme le crocodile en France, inventé en 1872. [2] Le crocodile est un équipement posé au pied de chaque signal, qui alerte le conducteur par un BIP sonore en cabine, si le signal présente un aspect fermé. Le conducteur a alors quelques secondes pour acquitter l’information, par appui sur un bouton. En l’absence d’acquittement dans le temps imparti, le train s’arrête automatiquement.
Le système allemand PZB, dont la première version a été mise au point dans les années 1930, équipe en 2019 32 398 km du réseau fédéral. [3] Ce dispositif a trois fonctions : sanctionner le franchissement de signaux fermés, surveiller le non dépassement d’une vitesse maximale sur une section de voie, et surveiller l’acquittement par le conducteur du franchissement de signaux d’avertissement. Le PZB fait partie des systèmes de protection du train : les systèmes ATP (Automatic Train Protection).
En France, le crocodile n’est pas suffisant pour éviter des accidents ferroviaires. Durant les années 1980, SNCF décide d’équiper ses trains d’un système de protection contre la survitesse et le franchissement de signaux de protection (menant vers une aiguille) : c’est le KVB. Le contrôle de vitesse par balises (KVB) est un équipement obligatoire sur un train, afin que celui-ci puisse circuler sur le réseau Français.

Calculateur embarqué UEVAL (Unité d’EVALuation) du KVB.
Crédit : Bastian SIMONI
Les systèmes nationaux
Alors que la France s’est équipée de son système national, le KVB, dans les années 1980, d’autres pays de l’Union Européenne ont fait appel à leur industrie, afin de s’équiper de systèmes permettant de réaliser la protection des trains, ou encore de l’affichage d’informations de signalisation en cabine.
Tous ces systèmes sont propriétaires et incompatibles entre-eux. Ils consomment de l’espace à l’intérieur du train (armoires informatiques, capteurs et antennes sous caisse). Pour des trains traversant plusieurs frontières, le conducteur doit être formé à leur utilisation. Cela rend son travail plus complexe. Enfin, équiper un train avec tous ces systèmes représente un coût important, tant à l’achat qu’en maintenance.
Les systèmes nationaux complexifient grandement l’interopérabilité ferroviaire en Union Européenne. L’idée de remplacer ces systèmes par un unique système de signalisation en Europe a commencé à émerger fin des années 1980, pour donner naissance à l’ERTMS : European Rail Traffic Management System.
En 2022, les systèmes nationaux sont obsolètes : ils sont nommés systèmes legacy (hérités) ou encore systèmes de classe B dans la nomenclature de l’Union Européenne. Les systèmes de classe B doivent être remplacés par l’ERTMS.
Le remplacement des systèmes nationaux par l’ERTMS doit être fait de manière synchronisée sur les voies et sur les trains. Cela représente un immense défi de migration. Pour le faciliter, le système ERTMS/ETCS à bord a été conçu pour cohabiter avec des systèmes nationaux. Cette cohabitation est permise par des modules appelés STM (Specific Transmission Module). Découvrons les principes du STM et ses limites.
Les principes du STM
Le système ERTMS/ETCS est utilisable avec différents niveaux d’application. Afin de pouvoir migrer progressivement des systèmes nationaux vers ERTMS, un niveau spécial a été conçu : le niveau NTC (National Train Control). [4]
En niveau NTC, le train est équipé du système ERTMS/ETCS et la voie est encore équipée du système national. La partie Bord du système national peut être connectée à l’ERTMS/ETCS Bord, afin de pouvoir réaliser des transitions automatiques et pour accéder à des ressources comme l’afficheur en cabine ou l’odométrie.
Cette connexion se fait via un module appellé STM, et l’interface entre STM et ERTMS/ETCS est standardisée. Le STM est responsable de la supervision du train en niveau NTC, et réalise les fonctions du système national. A ce jour, pour pouvoir circuler en France, un train neuf doit être équipé de l’ERTMS/ETCS ainsi que d’un STM de type KVB. Car l’installation du KVB dans un train reste obligatoire pour pouvoir circuler sur le Réseau Ferré National.
Ainsi, chaque système national au sein de l’UE a été décliné en STM pour être raccordé à ERTMS/ETCS. On retrouve le STM KVB pour la France, STM PZB pour l’Allemagne, STM SCMT pour l’Italie etc.

Equipements ERTMS/ETCS à bord et au sol, accompagnés du système national au sol et du STM à bord. Crédit : MERMEC
Sur cette illustration, nous retrouvons les équipements ERTMS/ETCS au sol permettant de circuler en niveau 1 : microcodeurs (LEU) et balises de transmission (eurobalise). Le bord est équipé de l’antenne pour eurobalises (BTM), du calculateur de sécurité (EVC) et de l’afficheur en cabine (MMI). Nous retrouvons également les équipements permettant de circuler en niveau 2/3 : Radio Block Center au sol, et antenne de réception à bord.
Le système national (legacy) est illustré en rouge, avec un émetteur à la voie, et un dispositif de réception à bord en jaune. Ce dispositif est relié au STM, lui-même relié à l’EVC.
L’intégration des systèmes nationaux dans l’écosystème ERTMS/ETCS via les STM permet une meilleure coexistance des systèmes à bord. L’ERTMS/ETCS effectue automatiquement les transitions entre niveaux ETCS et niveau NTC grâce à des eurobalises de transition posées à la voie. Le conducteur interagit avec l’ERTMS/ETCS et les STM via l’unique afficheur en cabine. L’ergonomie de conduite en est grandement facilitée.
Les STM, vus comme un outil de migration lors de leur conception, sont devenus une source de complexité. Voyons en détail pourquoi.
STM : une solution de migration imparfaite
Nous l’avons vu sur le schéma ci-dessus, il est possible d’installer à bord un module STM en plus de l’ERTMS/ETCS, afin de rendre compatible le train avec un système national encore en service sur une voie.
Le STM doit être accompagné du dispositif qui permet de récupérer l’information transmise par le système national : en général une antenne. Cette antenne doit répondre à un cahier des charges strict afin d’être compatible avec le système national au sol. Elle doit généralement être installée à un endroit précis sous la caisse du train, afin de capter l’information de l’émetteur à la voie.
Pour certains systèmes nationaux utilisant des balises (comme le KVB ou l’EBICAB), il est possible de réutiliser l’antenne de l’ERTMS/ETCS. Pour d’autres systèmes utilisant des inducteurs (PZB), des circuits de voie (TVM) ou des câbles rayonnants (LZB), il faut une antenne spécifique.

Antenne LZB
Crédit : Sebastian Terfloth User:Sese_Ingolstadt, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons

Antenne ATB
Crédit : Sebastian Terfloth, CC BY-SA 3.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0>, via Wikimedia Commons
Nous l’avons vu : lorsqu’il s’agit de rendre compatible un engin moteur avec un système national donné, il faut l’équiper du STM associé. Hormis quelques fournisseurs en mesure de produire des STM multistandard (par exemple le STM ATBL, compatible ATB et TBL), en général 1 STM = 1 système national. De plus, 1 STM = 1 calculateur dédié.
Imaginons maintenant une locomotive de fret, multisystème, capable d’acheminer les marchandises entre l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la France. Cette locomotive devra être équipée :
- du calculateur EVC hébergeant l’applicatif ERTMS/ETCS, et de l’antenne pour eurobalises,
- du STM ATBL pour être compatible ATB (NL) et TBL (BE), ainsi que des antennes associées,
- du STM PZB (DE) ainsi que des antennes associées,
- du STM KVB (FR), capable de réutiliser l’antenne ERTMS.

Les calculateurs STM sont reliés à l’EVC à l’aide d’une interface plug’n’play FFFIS : le SUBSET-035. Cette spécification comporte à la fois le volet applicatif et le volet interface physique. A ce jour, le FFFIS STM impose le Profibus, une interface que l’on peut qualifier d’obsolète.
Un train amené à traverser plusieurs frontières doit être équipé de l’ensemble des STM requis, si les voies ne sont pas intégralement équipées en ERTMS/ETCS. L’installation de plusieurs STM sur un même engin moteur présente plusieurs problématiques :
- le besoin de place afin de loger chaque calculateur STM en plus de l’EVC,
- le besoin de place sous caisse afin de fixer chaque antenne STM,
- la multiplication des STM à acheter fait augmenter le coût.
L’espace est une ressource rare à bord d’un train. Ainsi de nombreuses heures d’ingénierie sont nécessaires pour déterminer où et comment installer tous les équipements. Par conséquent, un engin moteur multisystème présente un haut niveau de complexité, ce qui amène des coûts sur le cycle de vie complet : à l’installation, à l’usage, et en maintenance.
Découvrons quelles solutions sont envisageables pour simplifier l’installation des STM.
Simplifier le bord multisystème
La solution bistandard
En France, les trains circulant sur le réseau conventionnel doivent être équipés du KVB, et les trains circulant sur les lignes à grande vitesse, de la TVM. Afin de simplifier l’installation d’ERTMS/ETCS couplé au KVB ou à la TVM, la SNCF s’est associée aux industriels pour développer la solution bistandard.
Le bistandard regroupe un EVC hébergeant l’applicatif ERTMS/ETCS, ainsi que quelques cartes spécifiques où est logé l’applicatif du système national, le tout dans un ou plusieurs paniers. Cette solution permet une installation facilitée de par son côté « tout en un ».
Il existe deux types de bistandard sur le marché :
- ERTMS/KVB d’Alstom, principalement déployé sur les trains et locomotives circulant sur le réseau conventionnel,
- ERTMS/TVM d’Hitachi, déployé sur les rames à grande vitesse, associé au STM KVB qui reste nécessaire sur le réseau conventionnel.
L’installation de modules STM supplémentaires est obligatoire pour les trains circulant à l’étranger. Ainsi, les rames à grande vitesse à destination de l’Allemagne doivent être équipées du :
- STM KVB, comme toutes les rames à grande vitesse, afin de circuler sur le réseau conventionnel Français,
- STM PZB/LZB, pour avoir l’homologation de circulation en Allemagne.
La solution bistandard est une première étape de simplification du bord multisystème. Maintenant, comme son nom l’indique, elle se limite à deux standards : ERTMS/ETCS et KVB ou TVM en France.
Cette solution continue de nécessiter autant de STM que de pays où le train circule. Est-il possible d’aller au-délà du bistandard et d’imaginer un EVC multistandard ?
Vers un EVC multistandard
Les calculateurs d’aujourd’hui sont nettement plus puissants que les premiers calculateurs ERTMS/ETCS des années 2000. Ces progrès en terme de puissance de calcul permettent de revoir l’architecture entre EVC et STM.
Plutôt que de loger l’applicatif des systèmes nationaux dans un calculateur STM dédié, il est possible de loger cet applicatif directement dans l’EVC. Pour cela, l’EVC doit avoir un environnement d’exécution, au sein duquel l’applicatif STM pourrait fonctionner. Dès lors, le STM n’est plus la somme d’un calculateur et d’un logiciel qui tourne dessus : il devient une application.
Comme l’interface entre STM et ERTMS/ETCS devient logicielle, elle n’est plus plug’n’play au sens du FFFIS SUBSET-035. Seul l’applicatif (FIS) reste standard.

Ce passage du STM matériel au logiciel simplifie l’installation des équipements à bord. Seul l’EVC, ainsi que les antennes requises sont à installer. Ce concept va au délà de la solution bistandard : c’est un EVC multistandard.
Moins d’équipements à bord, c’est :
- moins d’heures d’ingénierie d’installation,
- moins d’électroniques dont il faut gérer le cycle de vie (utilisation, maintenance, gestion d’obsolescence),
- moins de coûts.
Cette simplification par le logiciel rend tout de suite l’équipement d’une locomotive multisystème plus attractif. Le coût de possession d’un STM logiciel semble à priori nettement plus faible qu’un STM matériel. Le coût incompressible étant l’installation obligatoire des antennes spécifiques au STM sous caisse.
Alors que certaines entreprises ferroviaires de fret peuvent être tentées par l’attentisme (j’attends que l’ERTMS/ETCS soit installé partout), les gestionnaires d’infrastructure le sont tout autant (j’attends que suffisamment d’engins soient équipés ERTMS/ETCS).
L’approche logicielle des STM fait partie des amorces permettant de casser ce cercle vicieux. Les entreprises ferroviaires transfrontalières peuvent installer ERTMS/ETCS à bord, en limitant les coûts des STM comparé à aujourd’hui. Le STM logiciel, permettant de créer un EVC multistandard, représente donc nettement plus une solution de migration comparé au STM matériel d’aujourd’hui.
Pour autant, le concept est actuellement incompatible avec les spécifications techniques ERTMS/ETCS et la manière dont le marché des STM s’est structuré. En effet, par construction, 1 STM = 1 calculateur d’un fournisseur A, pouvant être relié à un EVC d’un fournisseur B avec l’interface FFFIS SUBSET-035.
Les systèmes nationaux sont des technologies propriétaires développées dans les années 1970-1990, et qui sont en général fournies par des industriels en monopole. Le STM matériel a contribué à maintenir cet état de fait. Pour une entreprise de signalisation, venir concurrencer un industriel historique sur son système national représente un pari coûteux et risqué. Le STM logiciel rabat les cartes et pourrait contribuer à lancer un marché du STM.
Calculateurs embarqués iEVC (The Signalling Company, crédit photo : Stanislas Pinte) et CCP2 (Alstom, crédit photo : Bastian Simoni), offrant la fonctionnalité Multistandard.
Créer un marché du STM
Les systèmes nationaux et leurs équivalents en STM aujourd’hui sont des équipements propriétaires ayant été développés par des entreprises historiques dans le controle-commande et la signalisation. De fait, il n’existe pas ou peu de concurrence sur le marché des STM. Cette situation est confortable pour les équipementiers en monopole puisqu’elle est synonyme de rente. En revanche, pour le système ferroviaire, elle représente une source de coûts et de moindre flexibilité. Equiper une locomotive de fret d’un nouveau STM ne s’improvise pas, compte tenu des études en amont nécessaires. Sans parler du temps de fabrication, de livraison, d’installation, de mise au point du STM sur le train, de son intégration avec ERTMS/ETCS à bord et enfin son homologation.
Le passage au STM logiciel change la donne. Par un effet de découplage entre l’applicatif et le matériel, il devient plus flexible. Un applicatif STM pourrait s’instancier sur tout EVC multistandard offrant un environnement d’exécution. Seules les antennes spécifiques au STM font l’objet de délais de livraison et d’ingénierie d’installation.
Des fournisseurs qui n’osaient pas se lancer dans le développement d’un STM matériel pourraient changer d’avis avec un STM logiciel. La marche à franchir et le risque associé sont moindres.
Pour autant, créer un marché du STM nécessite que les spécifications techniques du système national soient mises à disposition de tous les signalleurs en faisant la demande. C’est ce qui s’est produit en Belgique, où le gestionnaire d’infrastructure Infrabel a mis à disposition de The Signalling Company les spécifications du système TBL1+. [5]
Si les spécifications ou le cahier des charges initial du gestionnaire d’infrastructure ne sont pas suffisants, alors ce sont les documents et code source propriétaires qui doivent être rendus publics. L’installation de l’ERTMS/ETCS est une priorité pour l’Agence Européenne du Rail (ERA). Comme les STM sont un angle mort pour les entreprises de fret, il est tout à fait envisageable que le législateur finisse par imposer cette mise à disposition pour faciliter l’installation et la migration vers ERTMS/ETCS.
Passer de la possession à l’usage
L’approche logicielle ouvre de nouveaux modèles commerciaux sur le marché du STM. Aujourd’hui, une entreprise ferroviaire qui équipe son engin moteur d’un STM achète le matériel et dépense de l’argent pour le maintenir.
Si nous reprenons l’exemple de notre locomotive équipée ATBL/PZB/KVB, l’entreprise ferroviaire va posséder des équipements dont le taux d’utilisation correspondra à la portion de voie circulée équipée du système national en question. En d’autres termes, si la locomotive réalise systématiquement un trajet Anvers (BE) – Hambourg (DE) via les Pays-Bas, elle utilisera partiellement les STM ATBL, PZB et l’ERTMS/ETCS sur les portions équipées. Elle n’utilisera jamais le STM KVB sur cette liaison (bien qu’il ait été installé).
Par conséquent, l’entreprise ferroviaire de fret aura immobilisé du capital en achetant un STM KVB « au cas où » pour permettre à la locomotive de fonctionner en France. Les autres STM sont utilisés mais jamais à 100%, ils sont une assurance pour pouvoir circuler dans un pays en question.
Le STM logiciel permet de totalement revoir le modèle commercial, en passant de la possesion à l’usage. Le coût incompressible reste et restera les antennes spécifiques et leur installation. En revanche, la facturation d’un STM logiciel sur un EVC multistandard pourrait tout à fait se concevoir en terme d’usage, par exemple :
- en €/km parcourus avec le STM
- en € par temps d’utilisation du STM
- en licence d’utilisation journalière, hebdomadaire, mensuelle etc.
L’entreprise The Signalling Company défend cette approche en parlant de STM-as-a-service. [6]
Défis
L’approche logicielle du STM ouvre de nouvelles opportunités pour accélérer le déploiement de ERTMS/ETCS. Pour autant, sa mise en oeuvre n’est pas sans problématiques et angles morts à couvrir.
Un défi considérable est de continuer à maintenir la parfaite interopérabilité entre ERTMS/ETCS et STM. Aujourd’hui, celle-ci est permise par le SUBSET-035 qui spécifie l’interface plug’n’play utilisant le Profibus. En utilisant un STM d’un fournisseur A sous forme d’application, celle-ci doit pouvoir s’installer sur un EVC multistandard d’un fournisseur B. Cela signifie qu’il faut créer un environnement d’exécution standard où les applications STM de tous fournisseurs peuvent être utilisées. Les EVC multistandard du marché devront tous être équipés du même environnement d’exécution. Le principe d’installation de l’application STM sur un EVC devra être parfaitement ouvert et accessible à tout fournisseur.
Alors cet environnement doit-il faire l’objet d’un nouveau SUBSET ? Faut-il créer un espace de discussion européen avec les acteurs de la signalisation pour mettre en place cet environnement et la spécification associée ? Un élément de réponse pourrait être l’accord de coopération signé entre The Signalling Company et CAF Signalling, concernant les systèmes de classe B et la création d’un écosystème pour des applications STM. Ce partenariat étant ouvert à tout acteur de la signalisation, souhaitant le rejoindre. [6]
L’autre défi de taille est celui du développement de STM logiciels alors qu’il s’agit de systèmes propriétaires. Pour que tout industriel de la signalisation puisse développer un STM logiciel, il lui faut le cahier des charges et les spécifications techniques, voire le code source. Or la rente que représente les STM pour les industriels historiques est confortable : à priori leur intérêt à voir des concurrents émerger sur le marché du STM est nul. La mise à disposition de la documentation et/ou du code source se fera probablement sous la contrainte du legislateur pour dynamiser l’installation d’ERTMS/ETCS à bord des trains et locomotives, associés aux STM logiciels pour accompagner la migration.
Enfin, un STM doit répondre à un ensemble de spécifications et fait l’objet d’une homologation afin d’être utilisé sur un engin moteur. Le STM logiciel, ainsi que l’environnement d’exécution standardisé de l’EVC multistandard, devront être conforme à ces spécifications et prouver qu’ils sont globalement au moins équivalents à la solution actuelle.
Conclusion
Lors de la conception d’ERTMS/ETCS, les systèmes nationaux étaient (et sont toujours en 2023) largement installés au sol. Dès lors, une solution à bord des trains devait être trouvée, afin de permettre une coexistance et une intégration facilitée de ERTMS/ETCS et des systèmes nationaux : le STM.
Censé faciliter la migration vers ERTMS/ETCS, en permettant à un train d’être compatible à la fois avec le système européen et national, le STM est devenu une source de complexité. Pour des trains internationaux, ou des locomotives de fret, la nécessité d’installer plusieurs STM représente un coût important et parfois une raison de renoncer à une exploitation internationale. Ceci dessert le report modal de la route et de l’avion vers le train de manière certaine.
Aujourd’hui, les puissances de calcul élevées des calculateurs ERTMS/ETCS laissent envisager d’avoir des STM logés directement au sein de ceux-ci sous forme d’application. Cette transformation du STM matériel au logiciel permettrait l’apparition de nouveaux fournisseurs sur ce marché relativement fermé, et ouvrirait des opportunités de tarification différente.
Pour autant, cette nouvelle approche du STM ouvre des questions. Elle est actuellement incompatible avec les spécifications ERTMS/ETCS. Est-ce un sujet qui doit être discuté dans les instances européennes pour faire évoluer les spécifications ? Des fournisseurs souhaitant se lancer dans le développement d’une appli STM pourront-ils avoir accès aux spécifications et documents historiques ?
Au-delà de ces questions, le STM logiciel représente véritablement une solution de migration, surtout pour les services transfrontaliers. L’effort d’installation se limite aux antennes spécifiques des systèmes nationaux. Cette simplification par le logiciel pourrait être l’élément clé qu’il manquait aujourd’hui aux entreprises ferroviaires désireuses de s’équiper de locomotives et trains multistandard.
Pour aller plus loin
- La spécification de l’ERTMS/ETCS : le SUBSET-026
Crédit photo de couverture : Bastian SIMONI.
Références :
[1] https://securite-ferroviaire.fr/la-securite-ferroviaire/comprendre-la-securite-ferroviaire
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crocodile_(signalisation_ferroviaire)
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Punktf%C3%B6rmige_Zugbeeinflussung
[4] SUBSET-026
[5] https://www.thesignallingcompany.com/thesignallingcompany-to-build-new-mobile-app-to-function-as-the-belgian-class-bsystem-tbl1-on-its-etcs-solution/
[6] https://www.thesignallingcompany.com/digital-stms-will-accelerate-ertms-roll-out/