ERTMS : le système européen de signalisation ferroviaire

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ERTMS (European Rail Traffic Management System) est le système européen de gestion de trafic des trains. Système de sécurité, ERTMS permet le contrôle des trains, en surveillant à tout instant leur vitesse, sur la base de données de voie et des propriétés des trains. ERTMS fait partie des clés pour rendre le système ferroviaire européen mieux intégré, et plus attractif pour les voyageurs. Découvrons ERTMS, son histoire, ses concepts, ses angles morts et ses évolutions possibles.

Dernière mise à jour : 18/02/2023.

Temps de lecture : 51 min

Degré d’automatisation et historique

Le degré d’automatisation des trains

Les technologies de signalisation et automatismes ferroviaires offrent différents degrés d’automatisation de l’exploitation des trains. Une définition proposée par l’UITP (Union Internationale des Transports Publics) est le Grade of Automation (GoA), de 0 à 4.

  • GoA0 : conduite à vue,
    • En conduite à vue, le conducteur tractionne et freine le train selon ce qu’il voit dans l’environnement (signaux, obstacles, dangers). Aucun dispositif n’est là pour superviser sa conduite. La marche à vue est couramment utilisée pour le tramway, où les vitesses restent faibles.
  • GoA1 : conduite supervisée par un ATP,
    • Le GoA1 apporte un premier niveau d’automatismes, car la conduite est supervisée par un système de protection (ATP – Automatic Train Protection).
    • Un ATP peut protéger le train contre le franchissement de signaux fermés, ou le dépassement d’une vitesse limite, en appliquant automatiquement le freinage d’urgence.
  • GoA2 : traction et le freinage automatisés,
    • Dans ce niveau, un ATO génère les consignes de traction et de freinage et les envoie vers le train, à la place du conducteur.
    • L’ATO génère ces consignes selon les limites de signalisation fournies par l’ATP, tout en respectant les horaires de la mission à réaliser. L’ATP continue sa supervision, et applique automatiquement le freinage d’urgence si l’automatisme ne respecte pas la signalisation.
    • Le conducteur reste en cabine et continue d’observer l’environnement, afin de reprendre la main en cas de situation dégradée.
  • GoA3 : train autonome, avec du personnel à bord,
    • En GoA3, il n’y a plus de conducteur en cabine. Les aléas de l’environnement (obstacles, dangers) doivent être adressés par d’autres moyens.
    • Du personnel reste à bord pour conseiller les passagers, et intervenir en cas d’aléas.
  • GoA4 : train autonome, sans personnel à bord,
    • Il s’agit du niveau d’automatisation le plus avancé, dans lequel il n’y a pas de personnel à bord du train.
    • C’est le degré d’automatisation du métro de la ligne 14 à Paris par exemple.
Niveaux GoA Alstom

Niveaux d’autonomie. Crédit : ALSTOM.

Le GoA1 : l’apparition des automatismes

Le besoin : réaliser la protection des trains

Les circulations ferroviaires présentent cinq types de dangers, selon l’EPSF (Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire) :

  • le déraillement : incident ou accident dans lequel un véhicule ferroviaire sort des rails, totalement ou partiellement et dont l’origine peut être diverse (avarie sur le matériel roulant ou l’infrastructure, vitesse excessive, etc.)
  • le nez à nez : collision frontale entre deux trains ;
  • le rattrapage : collision par l’arrière lorsqu’un train percute un autre train qui se trouve devant lui ;
  • la prise en écharpe : collision latérale entre deux trains qui se produit à une intersection ou à une jonction de voies ;
  • la collision avec un obstacle (éboulement sur la voie, véhicule routier présent sur un passage à niveau, etc.). [1]

Afin de pallier certains de ces dangers, les exploitants ferroviaires ont mis en place des solutions, comme les signaux implantés le long des voies, que le conducteur doit respecter. Sauf que cela ne suffit pas.

En GoA0, c’est à dire en conduite à vue, la vigilance du conducteur n’est pas assurée en permanence. C’est ainsi que des automatismes ont été inventés : c’est le début du GoA1.

Les exploitants ont alors commencé à mettre en place des dispositifs de rattrapage, comme le crocodile en France, inventé en 1872. [2] Le crocodile est un équipement posé au pied de chaque signal, qui alerte le conducteur par un BIP sonore en cabine, si le signal présente un aspect fermé. Le conducteur a alors quelques secondes pour acquitter l’information, par appui sur un bouton. En l’absence d’acquittement dans le temps imparti, le train s’arrête automatiquement.

Le système allemand PZB, dont la première version a été mise au point dans les années 1930, équipe en 2019 32 398 km du réseau fédéral. [3] Ce dispositif a trois fonctions : sanctionner le franchissement de signaux fermés, surveiller le non dépassement d’une vitesse maximale sur une section de voie, et surveiller l’acquittement par le conducteur du franchissement de signaux d’avertissement. Le PZB fait partie des systèmes de protection du train : les systèmes ATP (Automatic Train Protection).

En France, le crocodile n’est pas suffisant pour éviter des accidents ferroviaires. Durant les années 1980, SNCF décide d’équiper ses trains d’un système de protection contre la survitesse et le franchissement de signaux de protection (menant vers une aiguille) : c’est le KVB. Le contrôle de vitesse par balises (KVB) est un équipement obligatoire sur un train, afin que celui-ci puisse circuler sur le réseau Français.

Calculateur embarqué UEVAL (Unité d’EVALuation) du système de contrôle de vitesse par balises (KVB).

Crédit : Bastian SIMONI

Les systèmes nationaux et la problématique de l’interopérabilité

La France s’est équipée de son système national, le KVB dans les années 1980. D’autres pays de l’Union Européenne ont fait appel à leur industrie nationale, afin de s’équiper de systèmes permettant de réaliser la protection des trains, ou encore de l’affichage d’informations de signalisation en cabine.

La construction des lignes à grande vitesse a engendré une problématique : le conducteur ne peut plus percevoir les signaux implantés le long des voies à 300 km/h. Un système affichant les informations de signalisation en cabine est alors nécessaire. Et là aussi, les opérateurs ont fait appel à leurs industriels nationaux pour concevoir ces systèmes. Cela a conduit à une grande diversité de systèmes de signalisation au sein de l’Union, rendant très difficile et coûteux les trajets transfrontaliers.

L’exemple le plus significatif est le Thalys, le TGV entre Paris-Cologne-Amsterdam. Ce train est équipé de 7 systèmes embarqués différents [4] :

  • France : crocodile, KVB, TVM
  • Allemagne : PZB, LZB
  • Belgique : TBL
  • Pays-Bas : ATB

Tous ces systèmes embarqués consomment de l’espace à l’intérieur du train (armoires informatiques, capteurs et antennes sous caisse). Le conducteur doit être formé à leur utilisation, rendant son travail plus complexe. Enfin, équiper un train avec tous ces systèmes représente un coût important, tant à l’achat qu’en maintenance.

Les systèmes nationaux complexifient grandement l’interopérabilité ferroviaire en Union Européenne. L’idée de remplacer ces systèmes par un unique système de signalisation en Europe a émergé à la fin des années 1980, pour donner naissance à l’ERTMS : European Rail Traffic Management System.

En 2022, les systèmes nationaux sont obsolètes : ils sont nommés systèmes legacy (hérités) ou encore systèmes de classe B dans la nomenclature de l’Union Européenne. Les systèmes de classe B doivent être remplacés par l’ERTMS à terme.

Thalys PBKA unit

Rame Thalys de type PBKA, capable de traverser 4 pays et équipée de 7 systèmes de signalisation embarqués – Par Mauritsvink — Travail personnel, CC BY 3.0

Vers la genèse d’un unique système de signalisation en Europe : ERTMS

L’existence de plus de 20 systèmes ATP en Europe devenant un obstacle important à l’interopérabilité, le développement d’un système unique de signalisation commence à être discuté fin des années 1980. La Commission Européenne s’empare du sujet en 1995 en définissant une stratégie pour le développement de l’ERTMS : European Rail Traffic Management System. Plusieurs entreprises de signalisation, regroupées au sein d’une structure appelée UNISIG, rédigent les spécifications du système en 1998. [5]

Le système ERTMS

Le système ERTMS est constitué de trois éléments :

  • ETCS : European Train Control System (système européen de contrôle des trains). C’est un système de protection des trains (ATP), qui doit à terme remplacer la totalité des ATP nationaux des pays membres de l’UE.
  • GSM-R : Global System for Mobile communications – Railway. C’est un système de communication radio, basée sur la 2G, afin de fournir des services de communication voix et données entre le train et le sol. Le GSM-R étant basé sur la 2G, une technologie obsolète, il sera remplacé d’ici 2030 par son successeur : FRMCS.
  • ATO : Automatic Train Operation. C’est un autopilote, permettant la traction et le freinage automatique du train, en présence d’un conducteur.

Au-delà d’améliorer l’interopérabilité au sein de l’Union, l’ERTMS permet aussi d’accroître les performances du réseau ferré, et d’augmenter sa capacité. [6]

Gouvernance

UNISIG

UNISIG est un consortium regroupant les industriels de la signalisation. Il a été formé en 1998, à la demande de la Commission Européenne, afin de démarrer la rédaction des spécifications du système ERTMS/ETCS.

Aujourd’hui, UNISIG a pour rôle de développer, maintenir et mettre à jour les spécifications de l’ERTMS/ETCS, en collaboration avec l’Agence Européenne du Rail.

En 2022, les membres d’UNISIG sont : ALSTOM, AZD Praha, CAF, Hitachi Rail, MERMEC, Siemens, Thales, Progress Rail Signalling et MERMEC STE. [10]

ERTMS User’s Group (EUG)

Le groupe d’utilisateurs de l’ERTMS est une association regroupant les gestionnaires d’infrastructure et entreprises ferroviaires, réalisant d’importants investissements dans le domaine ERTMS (> 250 millions EUR).

L’association propose une plateforme d’échanges entre les utilisateurs du système ERTMS, afin de partager leurs apprentissages et retours d’expérience. Elle permet également aux utilisateurs d’aligner leurs points de vue en propositions consolidées, pour discussions avec l’UNISIG et l’ERA. [11]

Agence Européenne du Rail (ERA)

Fondée en 2004, l’ERA est une agence de l’Union européenne. Son rôle est de mettre au point le cadre technique et juridique pour aboutir à un espace ferroviaire européen unifié (SERA – Single European Railway Area). L’agence oeuvre pour une approche harmonisée de la sécurité ferroviaire, soutenant ERTMS. [12] A ce titre, l’ERA a un rôle d’autorité système pour l’ERTMS. [13]

ERTMS/ETCS : le système européen de contrôle des trains

Principes

Le point de départ est l’autorité de mouvement (Movement Authority – MA), c’est-à-dire l’autorisation pour un train d’opérer sa marche à une vitesse maximale donnée jusqu’à un point donné (ce point étant la fin de l’autorité de mouvement).

Dans les premiers jours du ferroviaire, l’autorité de mouvement était un signal à main donné par un agent au sol, puis par des signaux mécaniques et lumineux implantés le long des voies. Les ATP nationaux dédiés à la grande vitesse, comme la TVM (France) ou le LZB (Allemagne), affichent en cabine l’autorité de mouvement au conducteur.

L’objectif de l’ERTMS/ETCS est de pouvoir transmettre l’autorité de mouvement du sol vers le bord, afin que l’information soit affichée au conducteur, sur l’écran en cabine. Le bord contrôle que l’action du conducteur respecte cette autorité de mouvement. Un autopilote peut également être utilisé,  et à ce moment-là, l’information de signalisation est transmise informatiquement à l’autopilote : c’est la solution ATO over ETCS.

Afin de pouvoir réaliser ses fonctions, l’ERTMS/ETCS est constitué de plusieurs sous-systèmes, certains étant au sol, et d’autres à bord du train.

Sous-système bord

Le sous-système bord contient les équipements permettant :

  • la transmission de l’autorité de mouvement au conducteur,
  • l’application du freinage d’urgence en cas de survitesse,
  • l’application du freinage d’urgence en cas de dépassement de la fin d’autorité de mouvement,
  • le positionnement du train sur le plan de voie.

Le sous-système bord repose sur un calculateur de sécurité (EVC : European Vital Computer), entouré de plusieurs dispositifs, notamment :

  • l’afficheur en cabine : le DMI (Driver Machine Interface),
  • les antennes permettant la récupération des données de signalisation provenant du sous-système sol,
  • l’odomètre permettant d’estimer la position du train sur le plan de voie.

Pour avoir la vue complète des équipements du sous-système bord, voir la partie Architecture.

Calculateurs EVC et afficheur en cabine DMI.

Sous-système sol

Le sous-système sol contient les équipements permettant de récupérer les informations nécessaires, entre autres, à l’élaboration de l’autorité de mouvement, et à sa transmission au sous-système bord.

Les éléments fondamentaux du sous-système sol sont :

  • Les codeurs (LEU), qui récupèrent l’état du signal ou de l’enclenchement, et le convertissent en autorité de mouvement ERTMS/ETCS fournie aux Eurobalises,
  • Les Eurobalises, qui transmettent des informations fixes ou commutables (provenant des codeurs) au passage du train,
  • Le Radio Block Center (RBC), qui transmet par radio les autorités de mouvement, sur la base des informations récupérées directement auprès de l’enclenchement.

Pour avoir la vue complète des équipements du sous-système sol, voir la partie Architecture.

La localisation sur le plan de voie

En signalisation ETCS, l’équipement à bord détermine où il se situe sur le plan de voie. Pour cela, la ligne fait l’objet d’une étude afin d’en établir ses caractéristiques et sa topologie. Cette étude peut se faire sous la forme d’un sondage, c’est-à-dire l’envoi d’un train de mesures équipé de nombreux capteurs. Ce sondage procure des données qui alimentent une description topologique, utilisée par le système.

L’ETCS à bord se positionne sur cette description topologique à l’aide d’un système d’odométrie. Le problème est que l’odométrie présente une erreur qui croît avec le temps. Pour corriger cette erreur, des Eurobalises sont placées régulièrement à la voie, et renseignées dans la description de la ligne. Ainsi, lorsque le train passe au-dessus d’une Eurobalise, l’ETCS bord se repositionne immédiatement sur le plan de voie, car l’emplacement de cette balise est fixe et connu. C’est de cette manière que l’erreur cumulative des systèmes d’odométrie est corrigée.

En 2022, des investigations sont en cours afin de remplacer ces systèmes d’odométrie à erreur cumulative, par des systèmes de navigation utilisant le positionnement par satellite et des centrales inertielles. Ces technologies nouvelles permettraient de limiter les balises requises. Le groupe d’utilisateurs de l’ERTMS a publié en Mai 2022 une spécification du système LOC-OB (localization onboard) disponible ici.

Principaux éléments de l’ERTMS/ETCS. Crédit : SNCF Réseau.

Niveaux d’application

Les niveaux d’application de l’ERTMS/ETCS correspondent aux modes de fonctionnement possibles entre les équipements au sol et à bord. Ces niveaux sont dépendants de l’équipement sol utilisé, et de la manière dont l’information est transmise à bord.

Ces différents niveaux ont été introduits, afin de laisser le choix aux gestionnaires d’infrastructure de déployer le niveau le plus pertinent selon leur stratégie de modernisation du réseau.

  • Niveau 0 : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord, et la voie circulée est soit :
    • non équipée d’ERTMS/ETCS ou bien d’un système de classe B,
    • équipée d’ERTMS/ETCS ou d’un système de classe B mais l’opération sous leur supervision est impossible.
  • Niveau NTC : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne équipée d’un système de classe B.
  • Niveau 1 : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne équipée de la signalisation latérale, avec ERTMS/ETCS en superposition par l’ajout d’Eurobalises et éventuellement de dispositifs d’anticipation (Euroloop et/ou radio infill).
  • Niveau 2 : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne contrôlée par un Radio Block Center (RBC), équipée d’Eurobalises et d’Euroradio. La détermination de la position du train et son contrôle d’intégrité sont réalisés par l’enclenchement, via des circuits de voie ou compteurs d’essieux. La signalisation latérale n’est plus nécessaire.
  • Niveau 3 : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne contrôlée par un Radio Block Center (RBC), équipée d’Eurobalises et d’Euroradio. La détermination de la position du train, ainsi que son contrôle d’intégrité, sont de la responsabilité du système ERTMS/ETCS. Les circuits de voie ou compteurs d’essieux ne sont plus nécessaires. La signalisation latérale n’est plus nécessaire.

Le niveau NTC : la rétrocompatibilité avec les systèmes de classe B

Le remplacement des systèmes nationaux par l’ERTMS/ETCS doit être fait de manière synchronisée sur les voies et sur les trains. Cela représente un immense défi de migration. Pour le faciliter, le système ERTMS/ETCS à bord a été conçu pour cohabiter avec des systèmes nationaux. Cette cohabitation est permise par le niveau NTC (National Train Control).

En niveau NTC, le train est équipé du système ERTMS/ETCS et la voie est encore équipée du système national. La partie Bord du système national peut être connectée à l’ERTMS/ETCS Bord, afin de pouvoir réaliser des transitions automatiques et pour accéder à des ressources comme l’afficheur en cabine ou l’odométrie.

Cette connexion se fait via un module appellé STM (Specific Transmission Module), et l’interface entre STM et ERTMS/ETCS est standardisée. Le STM est responsable de la supervision du train en niveau NTC, et réalise les fonctions du système national. A ce jour, pour pouvoir circuler en France, un train neuf doit être équipé de l’ERTMS/ETCS ainsi que d’un STM France (prise en charge du KVB). En effet, en 2022, l’installation du KVB dans un train reste obligatoire pour pouvoir circuler sur le Réseau Ferré National.

Ainsi, chaque système national au sein de l’UE a été décliné en STM pour être raccordé à ERTMS/ETCS. On retrouve le STM KVB pour la France, STM PZB pour l’Allemagne, STM SCMT pour l’Italie etc.

Equipements ERTMS/ETCS à bord et au sol, accompagnés du système national au sol et du STM à bord. Crédit : MERMEC

Le système national (legacy) est illustré en rouge, avec un émetteur à la voie, et un dispositif de réception à bord en jaune. Ce dispositif est relié au STM, lui-même relié à l’EVC.

L’intégration des systèmes nationaux dans l’écosystème ERTMS/ETCS via les STM permet une meilleure coexistance des systèmes à bord. L’ERTMS/ETCS effectue automatiquement les transitions entre niveaux ETCS et niveau NTC grâce à des Eurobalises de transition posées à la voie. Le conducteur interagit avec l’ERTMS/ETCS et les STM via l’unique afficheur en cabine. L’ergonomie de conduite en est grandement facilitée.

Les STM, vus comme un outil de migration lors de leur conception, sont devenus une source de complexité et un facteur limitant de la migration vers ERTMS/ETCS. L’innovation clé consiste à ne plus avoir de module STM matériel, les STM devenant des logiciels hébergés directement dans le calculateur EVC. Ainsi, à l’instar d’un smartphone sur lequel il est possible d’installer des applications, l’EVC pourrait héberger plusieurs STM différents sous forme d’applis. Le calculateur embarqué devient alors Multistandard, un outil fondamental pour la migration.

Calculateurs embarqués iEVC (The Signalling Company, crédit photo : Stanislas Pinte) et CCP2 (Alstom, crédit photo : Bastian Simoni), offrant la fonctionnalité Multistandard.

Le STM logiciel et les plateformes Multistandard

Le niveau 1 : la modernisation basée sur l’existant

Le niveau 1 permet la transmission ponctuelle d’informations, en superposition au système de signalisation latérale de la ligne. L’autorité de mouvement est générée au sol et transmise au bord par les Eurobalises, alimentées par des codeurs (LEU).

Ce niveau permet le contrôle de vitesse (alerte puis application du freinage d’urgence en cas de survitesse), ainsi que la protection du dépassement de l’autorité de mouvement.

Une étape fondamentale d’un projet ERTMS/ETCS niveau 1, est l’étude d’ingénierie de la ligne. Cette phase permet la mise au point des données ERTMS/ETCS, de la ligne faisant l’objet d’un déploiement.

Ces données alimentent les codeurs installés sur la ligne. Les codeurs peuvent être reliés directement au signal, ou bien à l’enclenchement, lorsque celui-ci s’y prête. Ces codeurs s’appellent LEU (Lineside Electronic Unit) et envoient à la balise, selon l’état du signal ou de l’enclenchement, la donnée ERTMS/ETCS associée qui a été déterminée lors de la phase d’ingénierie.

MERMEC ETCS L1

Le schéma ci-dessus (crédit MERMEC) représente la chaîne complète de l’information en partant du signal lumineux (via un signal LEU), ou bien de l’enclenchement (Interlocking LEU) jusqu’à l’afficheur ETCS en cabine du conducteur.

Le niveau 1 en approche d’un signal au rouge
ETCS L1

Représentation du niveau 1, uniquement avec Eurobalises. Crédit : ertms.net

Le signal est fermé (rouge), l’information est récupérée par le signal LEU, qui associe cette information au télégramme ETCS mis au point lors de la phase d’ingénierie. Ce télégramme est envoyé à la balise. Le conducteur ne doit pas passer la balise tant que le signal est rouge, car sinon l’ETCS à bord appliquerait le freinage d’urgence !

Le conducteur doit attendre que le feu repasse au vert afin de pouvoir franchir la balise. Le signal LEU aura modifié le télégramme de la balise (le feu étant passé au vert), et l’ETCS à bord recevra sa nouvelle autorité de mouvement.

Le niveau 1 étant un système ponctuel de transmission de l’information de signalisation, la signalisation latérale doit être conservée. Des dispositifs de communication semi-ponctuels permettent de s’affranchir totalement de la signalisation latérale, ce sont :

  • l’Euroloop, des boucles inductives placées en amont de la balise protégeant le signal
  • le radio infill, un système local de transmission radio, placé en amont de la balise protégeant le signal

Ces deux dispositifs envoient en anticipation l’information de signalisation transmise par la balise protégeant le signal.

ETCS L1 infill

Représentation du niveau 1 avec dispositifs d’anticipation. Crédit : ertms.net

Si le signal est équipé de dispositifs d’anticipation, comme Euroloop ou Radio Infill Unit (RIU), l’ETCS Bord reçoit immédiatement la nouvelle autorité de mouvement lorsque le feu passe au vert.

Sur le schéma ci-dessus, la ligne noire représente une boucle inductive Euroloop, qui transmet continuellement le télégramme ETCS associé à l’état du signal, fournit par le signal LEU. Alors que l’antenne du train n’a pas encore passé la balise, mais que cette antenne est au-dessus de l’Euroloop et que le signal est passé au vert, l’autorité de mouvement à bord a déjà été rafraîchie et le conducteur peut repartir sans s’arrêter.

Le niveau 2 : la signalisation par radio

En niveau 2, l’autorité de mouvement est générée par le Radio Block Center (RBC), sur la base des informations récupérées du système d’enclenchement. L’autorité de mouvement est transmise au bord par une liaison radio : Euroradio. Des Eurobalises restent utilisées pour corriger l’erreur odométrique, et envoyer des informations fixes.

Comme en niveau 1, le système permet le contrôle de vitesse et la protection du dépassement de l’autorité de mouvement. En revanche, l’utilisation d’un RBC relié directement au système d’enclenchement peut nécessiter une modernisation de la ligne par le remplacement des enclenchements obsolètes et disparates par un (ou plusieurs) enclenchements de conception moderne.

Le niveau 2 permettant une communication continue entre le bord et le sol, la signalisation latérale peut être supprimée.

MERMEC ETCS L2

Représentation du niveau 2, crédit MERMEC.

Sur cet exemple, il n’existe plus de signalisation latérale sur la ligne, la signalisation est entièrement gérée par radio.

ETCS L2

Représentation du niveau 2. Crédit : ertms.net

La signalisation latérale n’est plus nécessaire, puisque l’autorité de mouvement est reçue continuellement du RBC, et affichée en cabine sur l’écran. L’autorité de mouvement est élaborée par le RBC, selon l’état de l’enclenchement.

Le niveau 3 : l’infrastructure légère

En niveau 3, l’autorité de mouvement est générée par le Radio Block Center (RBC), selon la localisation du train, et de son intégrité. L’autorité de mouvement est transmise au bord par une liaison radio : Euroradio.

Dans ce niveau, le train reporte au RBC sa localisation sur le plan de voie, ainsi que son contrôle d’intégrité (c’est-à-dire vérifier qu’aucune partie du train ne s’est décrochée). C’est le rôle du TIMS (Train Integrity Monitoring System).

Ainsi, en niveau 3, il n’est plus nécessaire d’avoir des circuits de voie, ou compteurs d’essieux, pour vérifier l’état d’occupation des cantons. Comme il n’y a plus de contrainte physique de découpage des cantons, il devient possible d’utiliser le principe du canton mobile (moving block). La signalisation latérale n’est plus nécessaire, à l’instar du niveau 2.

Des Eurobalises de relocalisation sont installées si le positionnement du train est estimé par odomètres. Si le positionnement est estimé à l’aide d’une navigation embarquée, dont l’erreur de positionnement n’est pas cumulative dans le temps, alors le nombre de balises de relocalisation peut être réduit.

ERTMS L3

Représentation du niveau 3. Crédit : ertms.net

Le niveau 3 hybride

Le niveau 3 hybride est une méthode d’implémentation particulière du niveau 3, mise au point par le groupe d’utilisateurs de l’ERTMS dans une spécification dédiée. Elle repose sur l’utilisation de cantons virtuels fixes, pour gérer l’espacement des trains qui sont équipés d’un TIMS. Un système au sol de détection des trains reste utilisé, pour gérer l’espacement des trains qui ne sont pas équipés d’un TIMS, ainsi que les modes dégradés.

Le niveau 3 repose sur des pré-conditions, difficilement atteignables à ce jour. Notons entre autres :

  • En niveau 3, l’espacement des trains est directement géré par ERTMS/ETCS, reposant sur la position, la longueur et l’intégrité des trains. Chaque train doit être équipé d’un TIMS, qui surveille l’intégrité du train, et la reporte au bord ERTMS/ETCS. Le bord utilise cette information lors de l’envoi de sa position au sol ERTMS/ETCS. A ce jour, l’utilisation de TIMS pour les trains à composition variable est complexe. Les trains de fret posent particulièrement problème.
  • L’absence totale de système au sol de détection des trains, suppose que le sol ERTMS/ETCS niveau 3 connaît à tout instant la position et l’intégrité de l’ensemble des trains présents sur sa zone de supervision. En pratique, cela n’est pas toujours possible pour différentes raisons :
    • Le train est en mouvement via des procédures opérationnelles, et n’est plus sous la supervision totale d’ERTMS/ETCS,
    • Perte de liaison radio.

Le niveau 3 hybride est une réponse intéressante aux problématiques posées par le niveau 3. En effet, le maintien d’un système de détection des trains permet, entre autres :

  • de gérer des trains de fret, dont la gestion de l’intégrité est complexe à ce jour. Elle sera facilitée par la mise en oeuvre du coupleur automatique numérique (DAC) d’ici plusieurs décennies,
  • de gérer les trains déconnectés du sol en niveau 3 hybride, puisqu’ils restent détectés par le système de détection au sol. Cela est particulièrement intéressant pour les mouvements par procédure (le bord est déconnecté du niveau 3 hybride), ou en cas de redémarrage du sol suite à un crash,

Dans son concept, le niveau 3 hybride n’utilise pas le canton mobile virtuel, mais le canton fixe virtuel. Ce choix est justifié pour des raisons de meilleure compatibilité avec les équipements existants de signalisation : RBC, Enclenchements et Gestion de trafic. Si le découpage des cantons fixes virtuels est assez fin, alors la performance atteignable peut-être similaire au canton mobile virtuel.

Architecture de l’ERTMS/ETCS

Lors de la spécification du système ERTMS/ETCS, l’interopérabilité mais aussi l’interchangeabilité des composants étaient des conditions de départ. En effet : l’objectif est de pouvoir passer les frontières sans encombre, mais aussi de pouvoir faire fonctionner un équipement ETCS Bord d’Alstom avec un équipement ETCS Sol de Siemens par exemple. Ceci afin d’éviter tout problème de compatibilité entre des équipements ETCS provenant de fournisseurs différents.

La spécification ERTMS/ETCS a abouti à un système dont l’architecture est ouverte, avec des interfaces plug’n’play FFFIS (Form-Fit Function Interface Specification).

ETCS Architecture
Architecture ETCS selon SUBSET-026 §2 version 3.6.0

La partie bord de l’ETCS comprend :

  • BIU/TIU : le module en interface avec le train, notamment pour activer le freinage d’urgence
  • DMI : l’écran en cabine
  • Juridical data : la fonction d’interface avec l’enregistreur juridique à bord du train
  • BTM : Balise Transmission Module, le dispositif de communication avec les Eurobalises
  • LTM : Loop Transmission Module, le dispositif de communication avec les Euroloops
  • Euroradio : le module de communication radio via GSM-R

La partie sol de l’ETCS comprend :

  • RIU : Radio Infill Unit, un dispositif d’anticipation par radio en amont du signal
  • RBC : Radio Block Center, le système élaborant les messages en fonction de l’état d’occupation des circuits de voie et itinéraires verrouillés par le système d’enclenchement. Ces messages transmettent notamment l’autorité de mouvement
  • Eurobalises : un dispositif ponctuel de transmission de données
  • Euroloop : un dispositif d’anticipation par boucles inductives en amont du signal

Les systèmes autour du scope ETCS (en vert) sont :

  • LEU/Interlocking :
    • LEU : les électroniques au pied de signal dont l’objectif est de convertir l’état du signal en télégramme ETCS
    • Interlocking : les systèmes d’enclenchement
  • Control Centre : système de gestion de trafic
  • National System : le système national de signalisation (dont les systèmes de classe B)
  • KMC : Key Management Centre, le gestionnaire des clés cryptographiques, utilisées pour sécuriser les communications Euroradio
  • PKI : Public Key Infrastructure, le gestionnaire de certificats numériques

L’angle mort : le temps de déploiement d’ERTMS/ETCS

Depuis sa conception dans les années 1990, et ses premiers déploiements dans la décennie 2000, ERTMS/ETCS peine à décoller. Alors qu’il est censé remplacer les systèmes de classe B, et faciliter l’interopérabilité, le système européen doit encore faire l’objet d’un déploiement massif.

En France, en 2021, 7474 kilomètres de voies font l’objet d’un équipement réalisé ou à venir. Luc Lallemand, PDG de SNCF RESEAU, a confirmé que le déploiement de l’ERTMS/ETCS n’est pas une priorité en France. [7]

ERTMS figures

Statistiques de déploiement de l’ERTMS/ETCS.

Source : ertms.net (données de Décembre 2021)

L’association allemande Allianz Pro Schiene a partagé en Novembre 2022 sa compréhension des prévisions de déploiement de l’ERTMS/ETCS sur les réseaux ferrés de pays européens. On y découvre que la barre des 20% de réseau ferré équipé sera atteinte en 2030 en France et en Allemagne. Les 90% en 2040.

Cela signifie très concrètement, que de maintenant à 2040 :

  • Les systèmes de classe B seront toujours incontournables : les STM logiciels auront tout leur sens,
  • La solution ATO over ETCS, telle que définie en 2022, n’est pas utilisable massivement avant 2040. En effet, la conduite automatique, en présence d’un conducteur, nécessite ERTMS/ETCS à la fois à bord des trains et sur les voies !

Source : Allianz Pro Schiene et SCI Verkehr (Novembre 2022)

L’enjeu : découpler le déploiement bord et sol

Le déploiement de l’ERTMS fait face au problème de l’œuf et de la poule. Pour que l’ensemble fonctionne, il faut avoir déployé l’ERTMS à la fois sur l’infrastructure sol, mais aussi avoir équipé les engins moteurs.

Pour que le déploiement soit efficace, les gestionnaires d’infrastructure et les entreprises ferroviaires doivent partager des intérêts communs à réaliser le déploiement de manière synchronisée. Or la réalité est bien différente.

Les gestionnaires d’infrastructure peuvent avoir déjà beaucoup à faire en terme de rénovation et de modernisation, et avec les moyens dont ils disposent, notamment le budget. Les entreprises ferroviaires (historiques en particulier) ne voient pas l’intérêt d’équiper leurs engins moteurs existants, puisqu’ils sont déjà dotés de systèmes de classe B (comme le KVB ou la TVM). Ces systèmes de classe B représentent par ailleurs de formidables barrières techniques à l’entrée sur un marché, pour des entreprises ferroviaires concurrentes. En effet, il n’est pas possible pour un engin moteur non équipé du KVB de circuler en France à ce jour.

Pour circuler sur le réseau français des LGV et sur les autres parties du réseau ferré national, quatre systèmes de sécurité doivent être installés et paramétrés à bord des trains :

  • le système de signalisation et de sécurité interopérable européen, ERTMS (pour les voies du réseau de LGV équipées de ce système en France) ;
  • le système de signalisation et de sécurité français spécifique aux LGV françaises, développé à la fin des années 1970 et actualisé dans les années 1990, la TVM (Transmission Voie Machine) ;
  • le cas échéant, le système, spécifique au réseau de LGV français, de contrôle du bon positionnement des trains par GPS, le KARM (Contrôle d’ARMement de la TVM) ;
  • le système KVB (Contrôle de Vitesse par Balise) de signalisation et de sécurité spécifique au réseau ferroviaire français, nécessaire pour circuler sur la quasi-totalité du réseau et sur le réseau LGV pour réaliser certaines fonctions annexes et contrôler le fonctionnement effectif de la TVM.
Autorité de Régulation des Transports

Etude sur l'ouverture à la concurrence - Edition 2022

Le déploiement de l’ERTMS peut alors être réalisé sous la contrainte :

  • Economique : afin de pouvoir bénéficier de subventions européennes, par exemple pour la construction de lignes nouvelles,
  • Technique : si le fournisseur du système de classe B décide de ne plus le maintenir.

Mais plutôt que de subir le déploiement de l’ERTMS, il est possible de le tourner en un avantage pour les entreprises ferroviaires. Cet avantage là, c’est pouvoir alimenter un équipement ETCS-Bord avec une information qui existe déjà : la signalisation latérale. C’est le principe du niveau 1, avec le LEU qui récupère l’état du signal, et qui transmet le télégramme ETCS associé à la balise.

Plutôt que de déployer des équipements le long de la voie (LEU et balises), pourquoi ne pas faire cette acquisition directement à bord ? Les progrès techniques permettent aujourd’hui d’envisager ce cas.

Avec un équipement ETCS-Bord, capable de récupérer l’état du signal à bord, et d’en tirer son télégramme ETCS associé, il n’est plus nécessaire d’installer des équipements physiques à la voie. Le découplage est réalisé !

Vers un Niveau 1 virtuel

Lors de la spécification de l’ERTMS Niveau 1 dans les années 1990, l’état de l’art ne permettait pas de pouvoir récupérer l’état du signal de la signalisation latérale à bord. En effet : il n’existait pas de caméras et d’algorithmes d’analyse vidéo pour servir ce cas d’utilisation. L’acquisition se fait donc par l’emploi de codeurs, les LEU. Par ailleurs, l’erreur cumulative des systèmes d’odométrie nécessite des balises afin de pouvoir se relocaliser sur le plan de voie. En bref : équiper le sol était de toute façon inévitable.

Aujourd’hui, le contexte est différent :

  • Le progrès en miniaturisation des caméras, d’augmentation de la puissance de calcul, et des améliorations significatives des algorithmes d’analyse vidéo, permettent de récupérer un état du signal sur la base de la perception visuelle.
  • La navigation embarquée, reposant sur la localisation par satellite, centrale inertielle et d’autres technologies, laisse envisager la localisation sur le plan de voie avec peu de balises de relocalisation.

Cela veut dire que le niveau 1 spécifié dans les années 1990, et reposant sur des équipements installés à la voie, peut être intégralement numérisé par des technologies actuelles : perception visuelle, algorithmes d’analyse vidéo, navigation embarquée, et cartographie du plan de voie.

L’ETCS Niveau 1 virtuel pourrait être une solution de rupture. Elle pourrait créer l’amorce permettant de casser le cercle vicieux de l’absence de déploiement tant côté infrastructure qu’engins moteurs.

ETCS L1 virtual

Perception visuelle et conversion de la signalisation latérale à bord : aucun élément nécessaire à la voie.

Le niveau 1 virtuel

ERTMS/ATO : le futur train autonome

Le train autonome fait l’objet de spécifications, développements et essais. Il figure parmi les éléments clés pour augmenter la capacité et la flexibilité du système ferroviaire.

L’ERTMS/ETCS est un élément central du train autonome. En effet, il est indispensable dans la solution ATO over ETCS (aussi appelée ERTMS/ATO), permettant la traction et le freinage automatique, en présence d’un conducteur. A terme, il aura pour objectif de superviser le train dans les niveaux d’autonomie GoA3 et GoA4.

Qu'est-ce que le train autonome ?

ATO over ETCS

Lors de la conception de l’ERTMS/ETCS, il n’était pas prévu d’y accoler un autopilote, permettant de gérer automatiquement la traction et le freinage du train en présence d’un conducteur (GoA2).

C’est à partir de la décennie 2010, que les opérateurs et industriels se mettent autour de la table, afin de concevoir et spécifier l’option d’autopilotage sous ETCS, qui deviendra  ATO over ETCS.

ATO over ETCS intègrera la révision 2022 de la spécification technique d’interopérabilité – Contrôle-Commande et Signalisation. La solution est déjà utilisée sur certains projets comme le RER de Hambourg. [8]

Schéma de représentation du système ATO over ETCS (GoA2), crédit SIEMENS.

Le système ATO over ETCS

ATO over ETCS-Onboard

Le problème majeur de la solution ATO over ETCS, réside dans sa dépendance envers ERTMS/ETCS, à bord, comme au sol ! Cela signifie qu’à ce jour (2022), il n’est pas possible d’utiliser la solution de conduite automatique, sur une ligne sans ERTMS/ETCS. Comme nous l’avons vu dans les prévisions de déploiement, l’utilisation massive d’ATO over ETCS n’est pas pour demain.

Cette contrainte est de nature a ralentir l’adoption de la solution ATO over ETCS, permettant de bénéficier des économies d’énergie, par l’optimisation de la traction et du freinage du train. Par conséquent, des solutions de migration sont impératives.

Le Niveau 1 virtuel permettrait cette migration. Ceci grâce à la virtualisation du déploiement ETCS au sol dans un serveur,  et de l’utilisation d’ETCS à bord, aidé des dispositifs de perception et d’interprétation de la signalisation latérale, ainsi que du système de navigation embarqué.

Cette solution ATO over ETCS-Onboard permet de rendre très attractif l’équipement ETCS d’engins moteurs. Avec cette solution ETCS Niveau 1 virtuel, en plus de pouvoir protéger le train, l’ETCS-Bord ouvre la conduite automatique sur toute ligne équipée de signalisation latérale. Les entreprises ferroviaires ont donc un gain immédiat à équiper leurs trains de l’ERTMS/ETCS.

Voyant une opportunité d’accélérer l’adoption de la solution standard, la Commission Européenne a lancé un nouveau programme dans le cadre du parteneriat public-privé Shift2Rail : Technologies Supporting Migration to ATO over ETCS. Il rassemble les industriels de la signalisation et les exploitants. Ce programme a pour but de proposer un concept de bord ETCS, pouvant obtenir les informations de signalisation dont il a besoin, sur la base de la perception et l’interprétation de la signalisation latérale. [9]

ATO sous signalisation latérale

ERTMS/ATO GoA4

Aujourd’hui, l’ETCS à bord du train supervise uniquement le bon respect de la signalisation par le conducteur ou l’ATO. Si le conducteur ou l’ATO ne respectent pas la vitesse limite, ou s’ils grillent un feu rouge, alors l’ETCS applique un freinage d’urgence. Avec le concept ERTMS/ATO GoA4, ce nouvel ETCS-Bord prendrait en entrée à la fois les informations de signalisation et les restrictions provenant du dispositif de décision sur aléas. L’ETCS-Bord appliquerait alors l’information la plus restrictive entre signalisation et décision sur aléa, pour la communiquer à l’ATO afin qu’il adapte sa conduite, ou bien pour appliquer directement un freinage d’urgence.

Les travaux de standardisation et d’expérimentation continueront ces prochaines années, pour aboutir à la publication de la spécification standard ERTMS/ATO GoA4 vers 2030.

Train autonome : du GoA2 au GoA4

Conclusion

20 ans après avoir été spécifié par les opérateurs et industriels, le système européen de signalisation ERTMS/ETCS reste encore peu déployé, que ce soit sur les infrastructures au sol, ou bien sur les engins moteurs.

La lente progression de l’ERTMS/ETCS permet de maintenir en place des systèmes de classe B, obsolètes et propriétaires. Ils représentent une barrière technique pour l’accès à un marché, et un casse tête pour les opérateurs de passagers et de fret traversant plusieurs frontières.

Alors que le rail est indiscutablement du côté des solutions pour une mobilité respectueuse du climat, des progrès importants sont à faire pour encourager le déploiement de l’ERTMS/ETCS et ainsi augmenter la part modale du rail.

Il est pragmatique de penser que les systèmes de classe B seront toujours là dans 20 ans : il faut transformer cette contrainte en opportunité. Le passage du STM matériel au STM logiciel, afin de créer un EVC multistandard, est une solution clé pour faciliter la migration.

De plus, les avancées technologiques permettent de redécouvrir sous un nouvel angle les principes ERTMS/ETCS énoncés dans les années 1990. C’est le cas notamment du niveau 1 virtuel, basé sur des données et sur la perception visuelle de la signalisation latérale.

L’option de pilotage automatique, ATO over ETCS, est spécifiée dans la révision 2022 de la Spécification Technique d’Interopérabilité Contrôle-Commande et Signalisation (STI-CCS). Cette fonctionnalité, qui existe depuis de très nombreuses années dans le monde du métro, rend le déploiement d’ERTMS/ETCS plus attractif et ouvre la voie au Mass Transit sur le réseau ferré national.

ERTMS/ETCS aura également un rôle clé à jouer dans le futur train autonome. En plus de superviser le bon respect de la signalisation, il surveillera le bon respect de la règlementation. Cette évolution majeure occupera les groupes européens de normalisation durant plusieurs années, afin de réviser la spécification SUBSET-026 de l’ERTMS/ETCS.

Article suivant : le niveau 1 virtuel

Pour aller plus loin

Crédit photo de couverture : ALSTOM

Document de référence : SUBSET-026 §2 ; §3

Références :

[1] https://securite-ferroviaire.fr/la-securite-ferroviaire/comprendre-la-securite-ferroviaire

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crocodile_(signalisation_ferroviaire)

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Punktf%C3%B6rmige_Zugbeeinflussung

[4] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/06/9.-A-unique-signaling-system-for-Europe.pdf

[5] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/06/8.-ERTMS-History.pdf

[6] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/06/10.-Increasing-infrastructure-capacity.pdf

[7] Ville, Rail et Transports. Numéro 646

[8] https://s-bahn.hamburg/magazin/digital-s-bahn-hamburg?lang=en

[9] https://cordis.europa.eu/project/id/101014984/fr

[10] https://www.ertms.net/about-ertms/about-unsig/

[11] https://ertms.be/mission

[12] https://www.era.europa.eu/can-we-help-you/faq/289

[13] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/07/ERTMS_Factsheet_8_UNISIG.pdf