ERTMS/ETCS : le système européen de contrôle des trains

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ERTMS/ETCS est le système européen de contrôle des trains. Système de sécurité, ERTMS/ETCS supervise le mouvement des trains, sur la base des informations de signalisation, des données de voie, de la vitesse et des propriétés des trains. C’est un système fondamental pour rendre l’espace ferroviaire européen mieux intégré, et plus attractif.

Découvrons les principes de la conduite manuelle supervisée par un système de protection, les motivations ayant conduit à la création d’ERTMS/ETCS, ses constituants, ses angles morts et ses évolutions possibles.

ERTMS/ETCS est un système technique qui fait partie intégrante du système harmonisé ERTMS. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous recommande de lire en premier lieu l’article : ERTMS : le système européen de gestion de trafic des trains.

ERTMS : le système européen de gestion de trafic des trains

Résumé de l’article

Afin d’améliorer la sécurité des circulations ferroviaires, de nombreux pays en Europe se sont dotés de systèmes de protection automatique des trains (ATP). Selon le principe « Dix ingénieur-es, dix solutions », les ATP en Europe sont tous des systèmes avec leurs spécificités. Cela a rendu les circulations ferroviaires transfrontalières encore plus difficiles qu’elles ne l’étaient. Les trains devant être équipés de l’ensemble des ATP requis par les différents pays traversés.

Pour mettre fin à cette situation, et contribuer à l’interopérabilité, un système de protection automatique des trains européen a été conçu : ERTMS/ETCS.

Composé d’équipements au sol, et à bord des trains, ERTMS/ETCS a pour principales fonctions de fournir en cabine les informations de signalisation, et de superviser la conduite.

Différents niveaux d’application sont proposés : 0, 1, 2 et NTC. Ils permettent une migration progressive, entre l’équipement des trains, et l’équipement des voies. Les différents modes de fonctionnement de l’équipement bord indiquent les responsabilités entre le système ERTMS/ETCS, et le conducteur.

20 ans après avoir été spécifié par les opérateurs et industriels, le système ERTMS/ETCS est peu déployé. Tant au sol qu’à bord des trains. Une première raison est l’absence de volonté politique forte en faveur d’un déploiement significatif d’ERTMS/ETCS. Une autre raison réside dans les difficultés d’intégration d’ERTMS/ETCS dans le système ferroviaire existant.

Des solutions à ces difficultés d’intégration commencent à émerger. L’objectif étant de changer d’échelle, et d’aller vers un déploiement massif du système ERTMS/ETCS dans l’Union. Pour cela, il sera nécessaire d’aller vers une logique de produits, harmonisés, et déployables en masse. C’est le mandat de l’initiative Europe’s Rail, qui poursuit les travaux d’harmonisation, à la fois opérationnelle, et technique, afin de combler toutes les parties encore spécifiques d’ERTMS/ETCS.

Sur le plan technologique, ERTMS/ETCS continue d’évoluer. Les spécifications du niveau 2 sans détection des trains au sol, du niveau 3 hybride, et de la localisation absolue, sont en cours dans R2DATO.

L’introduction de la compatibilité avec le pilotage automatique ATO, et avec la communication sol/bord FRMCS, ont été les grandes nouveautés d’ERTMS/ETCS en 2023.

Dernière mise à jour : 18/01/2024.

Temps de lecture : 62 min

1. Introduction

1.1 Degré d’automatisation ferroviaire

Les technologies de signalisation et automatismes ferroviaires offrent différents degrés d’automatisation de l’exploitation des trains. Une définition proposée par l’UITP (Union Internationale des Transports Publics) est le Grade of Automation (GoA), de 0 à 4.

  • GoA0 : conduite à vue,
    • En conduite à vue, le conducteur tractionne et freine le train selon ce qu’il voit dans l’environnement (signaux, obstacles, dangers). Aucun dispositif n’est là pour superviser sa conduite. La marche à vue est couramment utilisée pour le tramway, où les vitesses restent faibles.
  • GoA1 : conduite supervisée par un système de protection,
    • Le GoA1 apporte un premier niveau d’automatismes, car la conduite est supervisée par un système de protection : un ATP (Automatic Train Protection).
    • Un ATP peut protéger le train contre le franchissement de signaux fermés, ou le dépassement d’une vitesse limite, en appliquant automatiquement le freinage d’urgence.
  • GoA2 : traction et freinage automatisés,
    • Dans ce niveau, un autopilote génère les consignes de traction et de freinage et les envoie vers le train, à la place du conducteur : c’est l’ATO (Automatic Train Operation).
    • L’ATO génère ces consignes selon les limites de signalisation fournies par l’ATP, tout en respectant les horaires de la mission à réaliser. L’ATP continue sa supervision, et applique automatiquement le freinage d’urgence si l’ATO ne respecte pas la signalisation.
    • Le conducteur reste en cabine et continue d’observer l’environnement, afin de reprendre la main en cas de situation dégradée.
  • GoA3 : train autonome, avec du personnel à bord,
    • En GoA3, il n’y a plus de conducteur en cabine. Les aléas de l’environnement (obstacles, dangers) doivent être supervisés par d’autres moyens.
    • Du personnel reste à bord pour conseiller les passagers, et intervenir en cas d’aléas.
  • GoA4 : train autonome, sans personnel à bord,
    • Il s’agit du niveau d’automatisation le plus avancé, dans lequel il n’y a pas de personnel à bord du train.
    • C’est le degré d’automatisation des métros sans personnel à bord.
Niveaux GoA Alstom

Niveaux d’autonomie. Crédit : ALSTOM.

1.2 Le GoA1 : la conduite supervisée

1.2.1 Le besoin : réaliser la protection des trains

Les circulations ferroviaires présentent cinq types de dangers selon l’EPSF (Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire) :

  • le déraillement : incident ou accident dans lequel un véhicule ferroviaire sort des rails, totalement ou partiellement et dont l’origine peut être diverse (avarie sur le matériel roulant ou l’infrastructure, vitesse excessive, etc.) ;
  • le nez à nez : collision frontale entre deux trains ;
  • le rattrapage : collision par l’arrière lorsqu’un train percute un autre train qui se trouve devant lui ;
  • la prise en écharpe : collision latérale entre deux trains qui se produit à une intersection ou à une jonction de voies ;
  • la collision avec un obstacle (éboulement sur la voie, véhicule routier présent sur un passage à niveau, etc.). [1]

Afin de pallier certains de ces dangers, les exploitants ferroviaires ont mis en place des solutions. Par exemple les signaux implantés le long des voies, que le conducteur doit respecter. Sauf que cela ne suffit pas.

En GoA0, c’est à dire en conduite à vue, la vigilance du conducteur n’est pas assurée en permanence. C’est ainsi que des automatismes ont été inventés pour superviser la conduite : c’est le début du GoA1.

1.2.2 L’apparition des automatismes

Les exploitants ont mis en place des dispositifs de rattrapage, comme le crocodile en France, inventé en 1872. [2] Le crocodile est un équipement posé au pied de chaque signal. Il alerte le conducteur par un BIP sonore en cabine, au passage d’un signal présentant un aspect restrictif. Le conducteur a alors quelques secondes pour acquitter l’information, par appui sur un bouton. En l’absence d’acquittement dans le temps imparti, le train s’arrête automatiquement.

Le système allemand PZB, dont la première version a été mise au point dans les années 1930, équipe en 2019 32 398 km du réseau fédéral. [3] Ce dispositif a trois fonctions : appliquer le freinage au franchissement de signaux fermés, surveiller le non dépassement d’une vitesse maximale sur une section de voie, et surveiller l’acquittement par le conducteur du franchissement de signaux d’avertissement. Le PZB fait partie des systèmes de protection des trains : les ATP.

En France, le crocodile n’est pas suffisant pour éviter des accidents ferroviaires. Durant les années 1980, SNCF décide d’équiper ses trains d’un ATP : c’est le KVB. Le contrôle de vitesse par balises (KVB) est un équipement obligatoire sur un train, afin que celui-ci puisse circuler sur le réseau Français.

1.3 Les principes d’un ATP

De manière générale, un ATP a pour fonction de réaliser la protection du mouvement d’un train, contribuant ainsi à limiter les dangers inhérents au système ferroviaire.

Pour cela, un ATP récupère à tout instant les informations de signalisation, sur la base des systèmes installés au sol :

  • Poste d’aiguillage (aussi appelé enclenchement), qui transmet à l’ATP les états de l’ensemble des signaux dont il a la responsabilité,
  • Les signaux eux-mêmes, lorsqu’une connexion à l’enclenchement n’est pas possible, ou pas pertinente.

Les systèmes de signalisation au sol sont parfaitement agnostiques des trains qui circulent sur l’infrastructure. Aussi, pour superviser correctement le mouvement du train, l’ATP se base sur des informations embarquées :

  • Propriétés du train, renseignées dans l’ATP par le conducteur : longueur, masse.
  • Vitesse et position du train dans un référentiel de positionnement (souvent un référentiel propre à l’ATP),

L’ATP combine toutes ces informations, pour vérifier si le mouvement du train est autorisé :

  • Le train circule à une vitesse qui ne dépasse pas une vitesse limite,
  • Le train circule dans une enveloppe autorisée par la signalisation au sol, donc par l’ATP.

Si ce n’est pas le cas, alors l’ATP applique automatiquement le freinage, grâce à une connexion directe avec le train.

Pour les circulations à grande vitesse, où l’observation des signaux le long de la voie n’est plus possible, la fonction de signalisation de cabine a été développée pour certains ATP comme la Transmission Voie-Machine (TVM) en France, ou le Linienzugbeeinflussung (LZB) en Allemagne. Dès lors, il est possible de se passer totalement de la signalisation latérale, et de n’opérer que sur la base d’un ATP offrant la signalisation de cabine.

1.3.1 Décomposition d’un ATP

Le fonctionnement de l’ATP nécessite qu’il soit situé à la fois au sol, et à bord.

Par conséquent, l’ATP se décompose en deux sous-systèmes :

  • Sol : pour récupérer, partout où cela est requis, les informations de signalisation, et les envoyer au bord,
  • Bord :
    • pour récupérer du sous-système sol les informations de signalisation,
    • pour récupérer du conducteur les propriétés du train dont le mouvement doit être supervisé (longueur, masse),
    • pour récupérer du train sa vitesse, et estimer son positionnement,
    • pour restituer au conducteur la signalisation de cabine, lorsque l’ATP propose cette fonction,
    • pour intervenir sur le train, lorsque le mouvement n’est pas autorisé.

Une interface sol-bord apparaît entre les deux sous-systèmes (aussi appelée airgap). Cette interface fait partie intégrante du système ATP.

1.3.2 Constituants d’un ATP

Voyons maintenant plus en détail les constituants des sous-systèmes bord et sol.

L’ATP sol, qui a pour fonction de récupérer les informations de signalisation et de les transmettre au bord, est composé des éléments suivants :

  • Encodeur, un dispositif qui s’interface avec le système de signalisation au sol (par le biais de capteurs, d’interfaces tout ou rien, numériques, etc), et qui adapte cette information, dans le langage propre à l’ATP,
  • Emetteur, qui transmet au train l’information adaptée par l’encodeur.

L’ATP bord, qui a pour fonctions de superviser les mouvements du train, et d’afficher la signalisation en cabine (pour les ATP proposant cette option), est composé des éléments suivants :

  • Antenne, qui récupère les données transmises par l’émetteur au sol,
  • Odomètre, un dispositif permettant d’estimer la distance parcourue par le train, et sa vitesse,
  • Interface train, qui pilote des entrées / sorties vers le train, afin d’appliquer le freinage d’urgence par exemple,
  • Interface homme-machine, un dispositif en cabine de conduite, permettant au conducteur d’interagir avec l’ATP (renseignement des propriétés train ; signalisation de cabine),
  • Calculateur, l’ordinateur embarqué, qui, sur la base des informations reçues de l’antenne, de l’odomètre, et des données train renseignées par le conducteur, applique automatiquement le freinage d’urgence via l’interface train, si le mouvement n’est pas conforme, et affiche la signalisation à l’interface homme-machine.

Voici ci-dessous quelques exemples de calculateurs bord pour des ATP comme le KVB (France) et PZB (Allemagne).

1.4 Les systèmes de protection et la problématique de l’interopérabilité

La France s’est équipée de son système de protection, le KVB, dans les années 1980. D’autres pays de l’Union Européenne ont fait appel à leur industrie nationale, afin de s’équiper de systèmes permettant de réaliser la protection des trains. Certains systèmes permettant aussi l’affichage d’informations de signalisation en cabine.

En effet, la construction des lignes à grande vitesse a engendré une problématique : le conducteur ne peut plus percevoir les signaux implantés le long des voies à des vitesses élevées. Un système affichant les informations de signalisation en cabine est alors nécessaire. Dès lors, les exploitants ont fait appel à leurs industriels nationaux pour concevoir ces systèmes. Cela a conduit à une grande diversité de systèmes de protection au sein de l’Union.

Ces systèmes présentent tous une interface sol-bord (airgap) spécifique, si bien que les systèmes sont incompatibles entre-eux. En conséquence, un train opérant dans différents pays de l’Union, doit impérativement s’équiper de l’ensemble des ATP requis par chaque réseau. Cela est un frein considérable à l’interopérabilité.

On entend par «interopérabilité», l’aptitude d’un système ferroviaire à permettre la circulation sûre et sans rupture de trains qui accomplissent les niveaux de performance requis.

Directive 797/2016

Union Européenne

Thalys PBKA unit

Eurostar Red, capable d’opérer dans 4 pays et équipé de 7 systèmes de signalisation embarqués. Crédit : Eurostar.

L’Eurostar rouge, le train à grande vitesse entre Paris-Cologne-Amsterdam, est un exemple emblématique de cette difficulté que posent les multiples systèmes de protection en Europe. Afin de pouvoir circuler en France, Belgique, Pays-Bas et Allemagne, ce train est multi-systèmes, c’est-à-dire équipé de plusieurs ATP embarqués différents [4] :

  • France : Crocodile (Cro), KVB, TVM
  • Allemagne : PZB, LZB
  • Belgique : TBL
  • Pays-Bas : ATB

Tous ces ATP consomment de l’espace à l’intérieur du train (armoires informatiques, capteurs et antennes sous caisse). Leur intégration est une tâche très complexe et coûteuse. De plus, le conducteur doit être formé à l’utilisation de tous ces systèmes, rendant son travail plus difficile. Enfin, maintenir un train avec tous ces systèmes dans le temps, représente un coût important.

Systèmes de protection des trains utilisés en Europe, dont ERTMS/ETCS.
Systèmes de protection utilisés en Europe. Source

1.5 Vers la genèse d’un système technique harmonisé en Europe : ERTMS

L’existence de plus de 20 systèmes de protection en Europe devenant un obstacle important à l’interopérabilité, le développement d’un ATP standardisé commence à être discuté fin des années 1980. La Commission Européenne s’empare du sujet en 1995 en définissant une stratégie pour le développement de ce système. Plusieurs entreprises de signalisation, regroupées au sein d’une structure appelée UNISIG, rédigent les spécifications du système en 1998. [5]

Les spécifications donnent naissance au premier ATP standard : ETCS (European Train Control System). A ce jour, les ATP nationaux sont obsolètes. Ils sont nommés systèmes legacy (hérités) ou encore systèmes de classe B dans la nomenclature de l’Union Européenne. Les systèmes de classe B doivent être remplacés par l’ATP ETCS à terme.

Avec la création de l’ETCS, naît un système technique harmonisé : ERTMS.

ERTMS : le système européen de gestion de trafic des trains

2. ERTMS/ETCS : les principes généraux

2.1 Introduction

Le point de départ est l’autorité de mouvement (Movement Authority – MA). C’est l’autorisation pour un train d’opérer sa marche à une vitesse maximale donnée jusqu’à un point donné (ce point étant la fin de l’autorité de mouvement).

Dans les premiers jours du ferroviaire, l’autorité de mouvement était un signal à main donné par un agent au sol, puis par des signaux mécaniques et lumineux implantés le long des voies. Avec la construction des lignes à grande vitesse, où il n’est plus possible d’observer les signaux latéraux, on a inventé la signalisation de cabine. Les ATP nationaux dédiés à la grande vitesse, comme la TVM (France) ou le LZB (Allemagne), affichent directement en cabine l’autorité de mouvement au conducteur.

ERTMS/ETCS suit exactement les mêmes principes qu’un ATP lambda, tels que nous les avons vu précédemment. Il s’agit de pouvoir transmettre l’autorité de mouvement du sol vers le bord, afin que :

  • l’information soit affichée au conducteur, sur l’écran en cabine : c’est la signalisation de cabine,
  • le bord supervise le mouvement du train, selon cette autorité de mouvement, et les propriétés du train.

Afin de pouvoir réaliser ses fonctions, ERTMS/ETCS est constitué de plusieurs sous-systèmes, certains étant au sol, et d’autres à bord du train. L’élément clé d’ERTMS/ETCS, réside dans la standardisation de l’airgap, l’interface entre le sol et le bord.

Cette standardisation de l’interface sol-bord permet l’interopérabilité, quel que soit le fournisseur utilisé. Ainsi, un train équipé d’un bord ERTMS/ETCS de CAF, pourra tout à fait communiquer avec un sol ERTMS/ETCS d’Hitachi.

2.2 Sous-système ERTMS/ETCS bord

Le paramètre fondamental de la fonctionnalité de l’ETCS «bord» décrit toutes les fonctions permettant la circulation d’un train en sécurité. La fonction principale est d’assurer la protection automatique des trains et la signalisation automatique en cabine:

1) entrée des caractéristiques du train (par ex. vitesse maximale du train, performance de freinage);
2) sélection du mode de supervision en fonction des informations reçues du sol;
3) réalisation des fonctions d’odométrie;
4) localisation du train dans un système de coordonnées fondé sur les localisations Eurobalise;
5) calcul du profil dynamique de vitesse pendant la mission du train en fonction des caractéristiques du train et des
informations reçues du sol;
6) supervision du profil dynamique de vitesse pendant la mission du train;
7) prise en charge du freinage.

Spécification Technique d'Interopérabilité - Contrôle-Commande et Signalisation (2023)

Union Européenne

Le sous-système bord repose sur un calculateur de sécurité (EVC : European Vital Computer), entouré de plusieurs dispositifs, notamment :

  • les antennes permettant la récupération des données provenant du sous-système sol : Balise Transmission Module (BTM) pour les Eurobalises, Loop Transmission Module (LTM) pour les câbles Euroloop, modem Euroradio pour la radiocommunication,
  • l’odomètre permettant d’estimer la position du train sur le plan de voie, et sa vitesse,
  • l’interface train, pour se connecter aux entrées/sorties du contrôle-commande train,
  • l’afficheur en cabine : le DMI (Driver Machine Interface).

Pour avoir la vue complète des équipements du sous-système bord, voir la partie Architecture.

2.3 Sous-système ERTMS/ETCS sol

Le sous-système sol contient les équipements permettant de récupérer les informations nécessaires, entre autres, à l’élaboration de l’autorité de mouvement, et à sa transmission au sous-système bord.

Les éléments fondamentaux du sous-système sol sont :

  • Les encodeurs (LEU), qui récupèrent l’état du signal ou de l’enclenchement, et le numérisent en autorité de mouvement ERTMS/ETCS fournie aux Eurobalises, Euroloops et RIU,
  • Les Eurobalises, qui transmettent des informations fixes ou commutables (provenant des encodeurs) au passage du train,
  • Les Euroloops (optionel), des boucles inductives (câbles) qui transmettent continuellement l’état du signal, via l’encodeur,
  • Les Radio Infill Units (RIU, optionel), des émetteurs Euroradio au pied du signal, qui transmettent continuellement son état, via l’encodeur,
  • Le Radio Block Centre (RBC), qui transmet par Euroradio les autorités de mouvement, sur la base des informations récupérées directement auprès de l’enclenchement.

Pour avoir la vue complète des équipements du sous-système sol, voir la partie Architecture.

L’ETCS «sol» prévoit tous les éléments de la fonctionnalité ETCS permettant à un train donné de circuler sans danger.

Les principales fonctionnalités sont les suivantes:
1) localisation d’un train spécifique dans un système de coordonnées fondé sur les localisations Eurobalise (niveau 2 de
l’ETCS);
2) conversion des informations provenant des équipements de signalisation «sol» en un format normalisé pour le sous-système de contrôle-commande et de signalisation «bord»;
3) envoi des autorisations de mouvement incluant la description de voie et les ordres attribués à un train spécifique.

Spécification Technique d'Interopérabilité - Contrôle-Commande et Signalisation (2023)

Union Européenne

Vue globale et simplifiée du système ERTMS/ETCS. On remarque que certains composants sont optionnels, et que d’autres dépendent d’un niveau d’application (1 ou 2).

2.3 Les niveaux d’application

2.3.1 Principes

Les niveaux d’application de l’ERTMS/ETCS correspondent aux modes de fonctionnement possibles entre les équipements au sol et à bord. Ces niveaux sont dépendants de l’équipement sol utilisé, et de la manière dont l’information est transmise à bord.

Ces différents niveaux ont été introduits, afin de laisser le choix aux gestionnaires d’infrastructure de déployer le niveau le plus pertinent selon leur stratégie de modernisation du réseau.

  • Niveau 0 : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord, et la voie circulée est soit :
    • non équipée d’ERTMS/ETCS, ou bien d’un système de classe B,
    • équipée d’ERTMS/ETCS, ou d’un système de classe B, mais l’opération sous leur supervision est impossible.
  • Niveau NTC : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne équipée d’un système de classe B.
  • Niveau 1 : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne équipée de la signalisation latérale, avec ERTMS/ETCS en superposition par l’ajout d’Eurobalises et éventuellement de dispositifs de transmission semi-continus (Euroloop et/ou radio infill).
  • Niveau 2 : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne contrôlée par un Radio Block Centre (RBC), équipée d’Eurobalises et d’Euroradio. La détermination de la position du train et son contrôle d’intégrité sont réalisés par l’enclenchement, via des circuits de voie ou compteurs d’essieux. La signalisation latérale n’est plus nécessaire.
  • Niveau 2 sans détection des trains au sol : le train est équipé d’ERTMS/ETCS Bord opérant sur une ligne contrôlée par un Radio Block Centre (RBC), équipée d’Eurobalises et d’Euroradio. La détermination de la position du train, ainsi que son contrôle d’intégrité, sont de la responsabilité du système ERTMS/ETCS. Les circuits de voie ou compteurs d’essieux ne sont plus nécessaires. La signalisation latérale n’est plus nécessaire.

Le niveau d’application en vigueur est indiqué au conducteur sur le DMI, via une des icones ci-dessous :

2.3.2 Le niveau NTC : la rétrocompatibilité avec les systèmes de classe B

Principes du niveau NTC

Le remplacement des systèmes de classe B par l’ERTMS/ETCS doit être fait de manière synchronisée entre les voies et les trains. Cela représente un immense défi de migration. Pour le faciliter, le système ERTMS/ETCS à bord a été conçu pour cohabiter avec les systèmes de classe B. Cette cohabitation est permise par le niveau NTC (National Train Control).

En niveau NTC, le train est équipé du système ERTMS/ETCS et la voie est encore équipée d’un système de classe B. La partie Bord du système de classe B peut être connectée à l’ERTMS/ETCS Bord. Ceci permet de réaliser des transitions automatiques, de mutualiser des ressources comme l’afficheur en cabine ou l’odométrie.

Cette connexion se fait via un module appellé STM (Specific Transmission Module). L’interface entre le STM et l’ERTMS/ETCS est standardisée. Le système de classe B, via le STM, est responsable de la supervision du train en niveau NTC.

A ce jour, pour pouvoir circuler en France, un train neuf doit être équipé de l’ERTMS/ETCS ainsi que d’un STM France (prise en charge du KVB et/ou de la TVM). En effet, en 2023, l’installation du KVB dans un train reste obligatoire pour pouvoir circuler sur le Réseau Ferré National conventionnel. Pour les lignes à grande vitesse, c’est la TVM qui est requise.

Ainsi, des systèmes de classe B au sein de l’UE ont leur STM, pour être raccordés à ERTMS/ETCS.

Equipements ERTMS/ETCS à bord et au sol, accompagnés du système national au sol et du STM à bord. Crédit : MERMEC

Le système national (legacy) est illustré en rouge, avec un émetteur à la voie, et un dispositif de réception à bord en jaune. Ce dispositif est relié au STM, lui-même relié à l’EVC. L’ERTMS/ETCS effectue automatiquement les transitions entre niveaux ETCS et niveau NTC grâce à des Eurobalises de transition posées à la voie. Le conducteur interagit avec l’ERTMS/ETCS et les systèmes de classe B via l’unique afficheur en cabine. L’ergonomie de conduite en est grandement facilitée.

Le schéma ci-dessous reprend la vue globale du système ERTMS/ETCS, avec l’apparition du module STM, permettant d’interfacer le LZB dans cet exemple.

Le défi de la migration et l’opportunité des STM logiciels

Les STM étaient vus comme un outil de migration lors de leur conception. En effet, en permettant à un train équipé d’ERTMS/ETCS, et d’un ensemble de STM prenant en charge des systèmes de classe B, on pensait que cela enclencherait une dynamique où :

  • Les opérateurs démarrent l’équipement de leurs trains en ERTMS/ETCS, avec STM et systèmes de classe B pour rester compatible avec l’infrastructure existante, en attendant que les lignes aient migré vers ERTMS/ETCS,
  • Une fois que le parc de trains équipés ERTMS/ETCS est important, le gestionnaire d’infrastuctures enclenche la migration de ses lignes vers ERTMS/ETCS,
  • Une fois les lignes équipées ERTMS/ETCS, les opérateurs suppriment les STM et les systèmes de classe B de leurs trains,
  • Une fois les trains entièrement équipés ERTMS/ETCS, les gestionnaires d’infrastructure terminent la migration de leurs lignes vers ERTMS/ETCS, en déposant les systèmes de classe B.

Cette dynamique a lieu, mais à un rythme très lent, car la migration est un défi colossal. Elle suppose un double-équipement à la fois au sol et à bord, qui se déroule sur des décennies.

L’espace ferroviaire européen étant encore très fragmenté par les systèmes de classe B au sol, c’est au bord de s’adapter, en intégrant toute une pléthore de systèmes de classe B et de STM associés, afin de traverser les frontières. Ce sont des trains multi-systèmes, et ils coûtent très cher, compte tenu de la complexité d’intégration des STM, systèmes de classe B et antennes associées.

Une innovation clé consiste à ne plus avoir de module STM matériel, mais logiciel. Les STM devenant des logiciels hébergés directement dans le calculateur EVC, avec le système de classe B associé. Le calculateur embarqué devient alors Multistandard, un outil fondamental pour la migration.

Le STM logiciel et les plateformes Multistandard

2.3.3 Le niveau 1 : la modernisation basée sur l’existant

Principes

Le niveau 1 permet la transmission ponctuelle d’informations, en superposition au système de signalisation latérale de la ligne. L’autorité de mouvement est générée au sol et transmise au bord par les Eurobalises, alimentées par des encodeurs (LEU).

Ce niveau permet le contrôle de vitesse (alerte puis application du freinage d’urgence en cas de survitesse), ainsi que la protection du dépassement de l’autorité de mouvement.

Une étape fondamentale d’un projet ERTMS/ETCS niveau 1, est l’étude d’ingénierie de la ligne. Cette phase permet la mise au point des données ERTMS/ETCS, de la ligne faisant l’objet d’un déploiement.

Ces données alimentent les encodeurs installés sur la ligne. Les encodeurs peuvent être reliés directement au signal, ou bien à l’enclenchement, lorsque celui-ci s’y prête. Ces encodeurs s’appellent LEU (Lineside Electronic Unit) et envoient à la balise, selon l’état du signal ou de l’enclenchement, la donnée ERTMS/ETCS associée qui a été déterminée lors de la phase d’ingénierie.

MERMEC ETCS L1

Le schéma ci-dessus (crédit MERMEC) représente la chaîne complète de l’information en partant du signal lumineux (via un signal LEU), ou bien de l’enclenchement (Interlocking LEU) jusqu’à l’afficheur ETCS en cabine.

Le niveau 1 en approche d’un signal au rouge
ETCS L1

Représentation du niveau 1, uniquement avec Eurobalises. Crédit : ertms.net

Le signal est fermé (rouge), l’information est récupérée par le signal LEU, qui associe cette information au télégramme ETCS mis au point lors de la phase d’ingénierie. Ce télégramme est envoyé à la balise. Le conducteur ne doit pas passer la balise tant que le signal est rouge, car l’ETCS à bord appliquerait le freinage d’urgence !

Le conducteur doit attendre que le feu repasse au vert afin de pouvoir franchir la balise, à vitesse limitée. Le signal LEU aura modifié le télégramme de la balise (le feu étant passé au vert), et l’ETCS à bord recevra sa nouvelle autorité de mouvement.

Le niveau 1 étant un système ponctuel de transmission de l’information de signalisation, la signalisation latérale doit être conservée. Des dispositifs de communication semi-ponctuels permettent de s’affranchir totalement de la signalisation latérale, ce sont :

  • l’Euroloop, des boucles inductives placées en amont de la balise protégeant le signal
  • le radio infill, un système local de transmission radio, placé en amont de la balise protégeant le signal

Ces deux dispositifs envoient en anticipation l’information de signalisation transmise par la balise protégeant le signal.

ETCS L1 infill

Représentation du niveau 1 avec dispositifs de communication semi-ponctuels. Crédit : ertms.net

Si le signal est équipé de dispositifs de communication semi-ponctuels, comme Euroloop ou Radio Infill Unit (RIU), l’ETCS Bord reçoit immédiatement la nouvelle autorité de mouvement lorsque le feu passe au vert.

Sur le schéma ci-dessus, la ligne noire représente une boucle inductive Euroloop, qui transmet continuellement le télégramme ETCS associé à l’état du signal, fournit par le signal LEU. Alors que l’antenne du train n’a pas encore passé la balise, mais que cette antenne est au-dessus de l’Euroloop, et que le signal est passé au vert, l’autorité de mouvement à bord a déjà été rafraîchie et le conducteur peut repartir sans s’arrêter.

L’avenir du Niveau 1

En 2023, le niveau 1 est considéré par le secteur ferroviaire, comme un niveau en désuétude. Plusieurs raisons expliquent cela :

  • Le Niveau 1 est un outil permettant d’installer ERTMS/ETCS, et la fonction de protection des trains, en superposition à la signalisation latérale. Il ajoute des coûts de fonctionnement à l’infrastructure. Or la tendance est à la simplification, et la reduction des coûts.
  • Le Niveau 1, de par sa communication semi-continue, ne permet pas de porter à son potentiel maximal la capacité d’une ligne. Les dispositifs de communication semi-continus, Euroloop et Radio Infill, ne peuvent plus être installés au sol, selon la Spécification Technique d’Interopérabilité – Contrôle-commande et Signalisation.
  • Le système cible, tel que définit par le Pilier Système d’Europe’s Rail, est basé sur le niveau 2 exclusivement. Le niveau 1 est une solution de migration vers le système cible.

La transmission de données de réouverture Euroloop et radio ne doit pas être installée ni exploitée, sauf sur les lignes/dans les zones «sol» qui figurent dans la liste des cas spécifiques au point 7.7.

Union Européenne

Spécification Technique d'Interopérabilité - Contrôle-Commande et Signalisation, 7.4.1

2.3.4 Le niveau 2 : la signalisation par radio

En niveau 2, l’autorité de mouvement est générée par le Radio Block Centre (RBC), sur la base des informations récupérées du système d’enclenchement. L’autorité de mouvement est transmise au bord par une liaison radio : Euroradio. Des Eurobalises restent utilisées pour la localisation du train, et envoyer des informations fixes.

Comme en niveau 1, le système permet le contrôle de vitesse et la protection du dépassement de l’autorité de mouvement. En revanche, l’utilisation d’un RBC relié directement au système d’enclenchement, peut nécessiter une modernisation de la ligne, par le remplacement des enclenchements obsolètes et disparates, au profit d’enclenchements numériques.

Le niveau 2 permettant une communication continue entre le bord et le sol, avec un affichage de l’information de signalisation en cabine continuellement à jour, la signalisation latérale peut être supprimée.

MERMEC ETCS L2

Représentation du niveau 2, crédit MERMEC.

Sur cet exemple, il n’existe plus de signalisation latérale sur la ligne, la signalisation est entièrement gérée par radio, et affichée en cabine sur le DMI.

2.3.5 Le niveau 2 sans détection des trains au sol

Anciennement appelée Niveau 3 (SUBSET-026 version 3.6.0), cette implémentation particulière du niveau 2 suppose que l’autorité de mouvement est générée par le Radio Block Centre (RBC), selon la localisation du train, et son intégrité. L’autorité de mouvement est transmise au bord par une liaison radio : Euroradio.

Dans ce niveau, le train reporte au RBC sa localisation sur le plan de voie, ainsi que son contrôle d’intégrité. Un dispositif vérifie qu’aucune partie du train ne s’est décrochée, c’est le rôle du TIMS (Train Integrity Monitoring System).

Ainsi, il n’est plus nécessaire d’avoir des circuits de voie, ou compteurs d’essieux, pour vérifier l’état d’occupation des cantons. Dès lors, il n’existe plus de contrainte physique à la voie, qui impose un découpage en cantons. Ceci permet de passer d’une gestion d’espacement des trains basée sur des cantons fixes, à une gestion basée sur le canton mobile virtuel.

La figure ci-dessus (crédit Digitale Schiene Deutschland) illustre le propos.

En première partie, nous avons une ligne munie de points d’informations, délimitant les cantons, où nous trouvons des compteurs d’essieux, un groupe de balises, et un signal en option. Tant que le train 1 ne libère pas totalement le canton, le train 2 est à l’arrêt, car il ne peut pas entrer dans le canton occupé.

En seconde partie, il n’y a plus de système de détection des trains à la voie, et donc plus de délimitation physique des cantons. L’espacement entre les trains est géré directement par le RBC, qui prend en compte la position, la vitesse, ainsi que les caractéristiques de chaque train. Le résultat est une capacité de la ligne augmentée, l’espace entre les trains étant réduit à son strict nécessaire.

Les fonctions d’enclenchement peuvent être directement intégrées dans le RBC, c’est le concept du Advanced Protection System (APS). La signalisation latérale n’est plus nécessaire.

Des Eurobalises restent nécessaires pour assurer la localisation du train.

2.3.6 Le niveau 3 hybride

Le niveau 3 hybride est une méthode d’implémentation particulière du niveau 2 sans détection des trains au sol. Une première spécification a été émise par le groupe d’utilisateurs de l’ERTMS, et les travaux se poursuivent dans le projet R2DATO.

Ce niveau repose sur l’utilisation de cantons virtuels fixes, pour gérer l’espacement des trains qui sont équipés d’un TIMS. Un système au sol de détection des trains reste utilisé, pour gérer l’espacement des trains qui ne sont pas équipés d’un TIMS, ainsi que les modes dégradés.

Le niveau 2 sans détection des trains au sol repose sur des pré-conditions, difficilement atteignables à ce jour. Notons entre autres :

  • En niveau 2 sans détection des trains au sol, l’espacement des trains est directement géré par ERTMS/ETCS, reposant sur la position, la longueur et l’intégrité des trains. Chaque train doit être équipé d’un TIMS, qui surveille l’intégrité du train, et la reporte au bord ERTMS/ETCS. Le bord utilise cette information lors de l’envoi de sa position au sol ERTMS/ETCS. A ce jour, l’utilisation de TIMS pour les trains à composition variable est complexe. Les trains de fret posent particulièrement problème.
  • L’absence totale de système au sol de détection des trains, suppose que le sol ERTMS/ETCS niveau 2 sans détection des trains au sol, connaît à tout instant la position et l’intégrité de l’ensemble des trains présents sur sa zone de supervision. En pratique, cela n’est pas toujours possible pour différentes raisons :
    • Le train est en mouvement via des procédures opérationnelles, et n’est plus sous la supervision totale d’ERTMS/ETCS,
    • Perte de liaison radio.

Le niveau 3 hybride est une réponse intéressante aux problématiques posées par le niveau 2 sans détection des trains au sol. En effet, le maintien d’un système de détection des trains permet, entre autres :

  • de gérer des trains de fret, dont la gestion de l’intégrité est complexe à ce jour. Elle sera facilitée par la mise en oeuvre du coupleur automatique numérique (DAC) d’ici plusieurs décennies,
  • de gérer les trains déconnectés du sol en niveau 3 hybride, puisqu’ils restent détectés par le système de détection au sol. Cela est particulièrement intéressant pour les mouvements par procédure (le bord est déconnecté du niveau 3 hybride), ou en cas de redémarrage du sol suite à un crash,

Dans son concept, le niveau 3 hybride n’utilise pas le canton mobile virtuel, mais le canton fixe virtuel. Ce choix est justifié pour des raisons de meilleure compatibilité avec les équipements existants de signalisation : RBC, Enclenchements et Gestion de trafic. Si le découpage des cantons fixes virtuels est assez fin, alors la performance atteignable peut-être similaire au canton mobile virtuel.

3. Architecture d’ERTMS/ETCS

3.1 Généralités

Lors de la spécification du système ERTMS/ETCS, l’interopérabilité était un postulat de départ. En effet : l’objectif est de pouvoir passer les frontières sans encombre, mais aussi de pouvoir faire fonctionner un équipement ETCS Bord d’Alstom avec un équipement ETCS Sol de Siemens par exemple. Ceci afin d’éviter tout problème de compatibilité sol/bord entre des équipements ETCS provenant de fournisseurs différents.

ERTMS v4

Architecture ERTMS/ETCS selon SUBSET-026 v4.0.0

3.2 Composants de l’architecture ERTMS/ETCS

3.2.1 Composants bord

  • BIU/TIU : le module en interface avec le train,
  • DMI : l’écran en cabine,
  • Juridical data : la fonction d’interface avec l’enregistreur juridique à bord du train
  • BTM : Balise Transmission Module, le dispositif de communication avec les Eurobalises,
  • LTM : Loop Transmission Module, le dispositif de communication avec les Euroloops,
  • Euroradio : le module de communication radio via GSM-R,
  • STM control function : la fonction d’interface avec les modules STM et les systèmes de classe B,
  • Odometry : la fonction d’odométrie permettant la localisation du train, et l’estimation de sa vitesse,
  • ATO control function : la fonction d’interface avec le pilote automatique ERTMS/ATO.

3.2.2 Composants sol

  • RIU : Radio Infill Unit, un dispositif de radiocommunication semi-continue, en amont du signal,
  • RBC : Radio Block Centre, le système élaborant l’autorité de mouvement à l’attention de tous les trains présents dans sa zone de contrôle. Le RBC élabore les autorités de mouvement selon les informations qu’il récupère de l’enclenchement,
  • Eurobalises : un dispositif ponctuel de transmission de données,
  • Euroloop : un dispositif d’anticipation par boucles inductives en amont du signal.

3.2.3 Composants de communication sol/bord

  • GSM-R : le réseau privé de telecommunications pour les applications ferroviaires, basé sur la 2G, utilisé par ERTMS/ETCS via Euroradio,
  • FRMCS : le successeur du GSM-R, qui fait son apparition dans la version 4.0.0 de l’architecture ERTMS/ETCS.

3.2.4 Acteurs environnants d’ERTMS/ETCS

  • LEU/Interlocking :
    • LEU : les encodeurs au pied de chaque signal, qui convertissent l’état du signal en télégramme ETCS,
    • Interlocking : les systèmes d’enclenchement,
  • Control Centre : le système de gestion de trafic,
  • National System : le système national de signalisation (dont les systèmes de classe B),
  • KMC : Key Management Centre, le gestionnaire des clés cryptographiques, utilisées pour sécuriser les communications Euroradio,
  • PKI : Public Key Infrastructure, le gestionnaire de certificats numériques.
  • Train : le système de contrôle et commande du train, en général un TCMS (Train Control & Monitoring System),
  • Driver : le conducteur, qui interagit avec ERTMS/ETCS au travers du DMI,
  • On-board recording device : l’enregistreur juridique « boite noire »,
  • ATO On-board : le pilote automatique ERTMS/ATO.

3.3 L’interface avec le conducteur

ERTMS/ETCS est un ATP, permettant la signalisation de cabine. Comme ERTMS/ETCS est supposé être utilisé dans l’ensemble de l’Union, l’interface entre le système et le conducteur est elle aussi standardisée. En effet, il est impensable d’avoir une interface différente par pays ! Ceci permet à terme d’avoir des conducteurs de toute l’Union exclusivement formés à l’utilisation d’ERTMS/ETCS.

Ainsi, tout ce qui est affiché au DMI fait l’objet d’une spécification maintenue par l’ERA : ERA_ERTMS_015560.

Onboard ETCS (credit ALSTOM)

Le DMI est l’écran se trouvant sur la gauche. L’écran de droite étant celui du TCMS. Crédit : ALSTOM

4. Les angles morts d’ERTMS/ETCS

4.1 Le temps de déploiement d’ERTMS/ETCS

Depuis sa conception dans les années 1990, et ses premiers déploiements dans la décennie 2000, ERTMS/ETCS peine à décoller. Alors qu’il est censé remplacer les systèmes de classe B, et faciliter l’interopérabilité, le système européen doit encore faire l’objet d’un déploiement massif.

ERTMS figures

Statistiques de déploiement de l’ERTMS/ETCS.

Source : ertms.net (données de Décembre 2023)

L’association allemande Allianz Pro Schiene a partagé en Novembre 2022 sa compréhension des prévisions de déploiement de l’ERTMS/ETCS sur les réseaux ferrés de pays européens. On y découvre que la barre des 20% de réseau ferré équipé sera atteinte en 2030 en France et en Allemagne. Les 90% en 2040.

Source : Allianz Pro Schiene et SCI Verkehr (Novembre 2022)

4.2 La difficile intégration d’ERTMS/ETCS

4.2.1 Problématique

ERTMS/ETCS est un système, dont de nombreuses interfaces sont standardisées, au travers des SUBSETs. A première vue, on pourrait penser que déployer des équipements ERTMS/ETCS, au sol, ou à bord des trains, est facile. La réalité est tout autre.

ERTMS/ETCS vient s’insérer dans un système ferroviaire qui existe déjà, et qui est très hétéroclite. Cela signifie que les équipements existants auxquels les composants ERTMS/ETCS viennent se connecter, n’ont jamais été pensés pour cet usage ! Les équipements existants sont très divers, avec des principes spécifiques. La conséquence, est qu’à chaque projet de déploiement d’ERTMS/ETCS, il faut mener des études d’ingénierie, et des développements spécifiques, pour tenir compte des particularités des équipements existants. Voyons cela plus en détail.

4.2.2 Intégration Bord

Les trains qui existent déjà n’ont jamais été prédisposés pour accueillir ERTMS/ETCS. Ce n’est que depuis quelques années, que tout nouveau train produit doit intégrer nativement ERTMS/ETCS (et les STM et systèmes de classe B le cas échéant).

Cela signifie concrètement, qu’installer ERTMS/ETCS dans un train existant nécessite :

  • des études d’ingénierie mécanique, afin de déterminer où et comment installer les équipements sur le train,
  • des études système, afin de déterminer comment connecter le calculateur ERTMS/ETCS, sur les interfaces informatiques et électro-mécaniques du train.

Pour chaque série de locomotive ou de train, il faut renouveler les études !

Installer ERTMS/ETCS à bord d’un train, c’est un projet à part entière. Et les projets, cela mobilise beaucoup de ressources, tant humaines que financières. C’est actuellement un frein à un déploiement massif.

Une piste pour réduire la complexité d’installation, en particulier sur l’interface train, est le concept de Functional Vehicle Adapter (FVA) développé par OCORA. Cet adaptateur train permettrait l’utilisation des SUBSETs de l’interface train (SUBSET 034, 119, 147) entre le calculateur ERTMS/ETCS et l’adaptateur. Le FVA se charge ensuite de faire la correspondance avec l’interface spécifique du train. Ainsi, c’est le FVA qui porterait les spécificités du train, et non l’EVC.

Une autre piste est d’harmoniser les principes d’interfaces informatiques. C’est l’ambition du SUBSET-147, aussi appelé One Common Bus, dont l’objectif est de converger vers un unique bus de communication informatique entre les équipements embarqués.

4.2.3 Intégration Sol

Le déploiement d’ERTMS/ETCS au sol pose exactement les mêmes problèmes qu’à bord des trains.

ERTMS/ETCS au sol ne fait qu’adapter des informations existantes de signalisation, dans le format ETCS. Et ces informations proviennent de systèmes existants : les enclenchements.

Chaque pays en Europe a eu sa propre approche des systèmes d’enclenchements, et le parc est loin d’être uniforme : enclenchements à relais, enclenchements électroniques, enclenchements numériques…

Ainsi, à chaque déploiement d’un RBC, il faut mettre au point une interface avec l’enclenchement existant. Comme pour le déploiement Bord, cela revient à mener des projets, mobilisant beaucoup de ressources.

Pour résoudre ce problème, une approche globale de modernisation doit être considérée, avec :

  • la définition d’une interface standardisée entre enclenchement et RBC,
  • le remplacement des enclenchements existants, par des enclenchements numériques, prédisposés avec l’interface RBC,
  • l’installation des RBC accolés aux nouveaux enclenchements, utilisant l’interface standard, lors du déploiement ERTMS/ETCS sur la ligne modernisée.

La définition d’une interface standardisée à l’échelle européenne, entre RBC et enclenchement, est en cours au sein du Pilier Système d’Europe’s Rail.

Une autre solution, est d’aller directement vers le niveau 2 sans détection des trains au sol. La ligne serait profondément modernisée et simplifiée, et le RBC installé pourrait directement intégrer les fonctions d’enclenchement (principe du Advanced Protection System).

4.3 L’enjeu : définir des stratégies de migration

L’objectif vers lequel toute l’Union veut tendre est simple : le système cible à 2050.

Pour ERTMS/ETCS, l’objectif est d’avoir migré vers le niveau 2, partout où l’interopérabilité est requise. Il n’y aura plus de système de classe B, plus de STM, ni d’équipements nécessaires pour le niveau 1 (LTM, RIU), sur le réseau interopérable.

Une fois que l’objectif est clair, il convient de dessiner la trajectoire pour y arriver. Les trajectoires sont propres à chaque pays, puisque les situations de départ sont toutes spécifiques.

Le groupe Migration, au sein du Pilier Système d’Europe’s Rail, spécifie actuellement les grandes lignes de ces trajectoires, avec les opérateurs et industriels. Lorsque ces grandes lignes seront définies, il s’agira alors pour chaque pays de se mettre au travail, et d’engager la migration.

Synthèse

Afin d’améliorer la sécurité des circulations ferroviaires, de nombreux pays en Europe se sont dotés de systèmes de protection automatique des trains (ATP). Selon le principe « Dix ingénieur-es, dix solutions », les ATP en Europe sont tous des systèmes avec leurs spécificités. Cela a rendu les circulations ferroviaires transfrontalières encore plus difficiles qu’elles ne l’étaient. Les trains devant être équipés de l’ensemble des ATP requis par les différents pays traversés.

Pour mettre fin à cette situation, et contribuer à l’interopérabilité, un système de protection automatique des trains européen a été conçu : ERTMS/ETCS.

Composé d’équipements au sol, et à bord des trains, ERTMS/ETCS a pour principales fonctions de fournir en cabine les informations de signalisation, et de superviser la conduite.

Différents niveaux d’application sont proposés : 0, 1, 2 et NTC. Ils permettent une migration progressive, entre l’équipement des trains, et l’équipement des voies. Les différents modes de fonctionnement de l’équipement bord indiquent les responsabilités entre le système ERTMS/ETCS, et le conducteur.

20 ans après avoir été spécifié par les opérateurs et industriels, le système ERTMS/ETCS est peu déployé. Tant au sol qu’à bord des trains. Une première raison est l’absence de volonté politique forte en faveur d’un déploiement significatif d’ERTMS/ETCS. Une autre raison réside dans les difficultés d’intégration d’ERTMS/ETCS dans le système ferroviaire existant.

Des solutions à ces difficultés d’intégration commencent à émerger. L’objectif étant de changer d’échelle, et d’aller vers un déploiement massif du système ERTMS/ETCS dans l’Union. Pour cela, il sera nécessaire d’aller vers une logique de produits, harmonisés, et déployables en masse. C’est le mandat de l’initiative Europe’s Rail, qui poursuit les travaux d’harmonisation, à la fois opérationnelle, et technique, afin de combler toutes les parties encore spécifiques d’ERTMS/ETCS.

Sur le plan technologique, ERTMS/ETCS continue d’évoluer. Les spécifications du niveau 2 sans détection des trains au sol, du niveau 3 hybride, et de la localisation absolue, sont en cours dans R2DATO.

L’introduction de la compatibilité avec le pilotage automatique ATO, et avec la communication sol/bord FRMCS, ont été les grandes nouveautés d’ERTMS/ETCS en 2023.

Article suivant : ERTMS/ATO, l'autopilote européen des trains

Pour aller plus loin

  • La spécification de l’ERTMS/ETCS : le SUBSET-026

Crédit photo de couverture : ALSTOM.

Document de référence : SUBSET-026 §2 ; §3

Références :

[1] https://securite-ferroviaire.fr/la-securite-ferroviaire/comprendre-la-securite-ferroviaire

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crocodile_(signalisation_ferroviaire)

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Punktf%C3%B6rmige_Zugbeeinflussung

[4] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/06/9.-A-unique-signaling-system-for-Europe.pdf

[5] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/06/8.-ERTMS-History.pdf

[6] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/06/10.-Increasing-infrastructure-capacity.pdf

[7] Ville, Rail et Transports. Numéro 646

[8] https://s-bahn.hamburg/magazin/digital-s-bahn-hamburg?lang=en

[9] https://cordis.europa.eu/project/id/101014984/fr

[10] https://www.ertms.net/about-ertms/about-unsig/

[11] https://ertms.be/mission

[12] https://www.era.europa.eu/can-we-help-you/faq/289

[13] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/07/ERTMS_Factsheet_8_UNISIG.pdf