ERTMS/ATO : l’autopilote interopérable des trains

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ERTMS/ATO est le système européen interopérable permettant le pilotage automatique des trains, en présence d’un conducteur. Historiquement appelé ATO over ETCS, cet autopilote fonctionne en tandem avec le système européen de signalisation ERTMS/ETCS, dont il doit respecter les ordres, tout en s’inscrivant dans la table horaire.

Découvrons les principes du pilotage automatique des trains (GoA2), et d’ERTMS/ATO : son application dans le système harmonisé ERTMS.

Pour une bonne compréhension des notions abordées dans cet article, je vous recommande de lire en premier lieu les articles ERTMS : le système européen de gestion de trafic des trains puis ERTMS/ETCS : le système européen de contrôle des trains.

ERTMS : le système européen de gestion de trafic des trains

Résumé de l’article

En niveau d’automatisation GoA1, des aides à la conduite existent permettant la régulation de vitesse, ou encore l’affichage de recommandations de conduite, afin de pratiquer l’éco-conduite. Le tout en étant constamment supervisé par le système de protection du train, l’ATP.

C’est en GoA2, qu’un dispositif permet de piloter automatiquement le train, en prenant en compte un ensemble d’informations en entrée, entre autres les horaires de la mission, ainsi que la signalisation à respecter.

Le pilotage automatique offre des bénéfices clairs. Il permet de réduire la consommation d’énergie par une conduite optimisée et durable. De plus, il permet d’uniformiser la conduite d’une flotte de trains, ce qui réduit la dispersion horaire dans le schéma d’exécution. Cela dégage des capacités supplémentaires, qui peuvent être utilisées pour injecter plus de trains.

Ces bénéfices ont motivé l’introduction du pilotage automatique dans les milieux assez homogènes et fermés : les métros. Des systèmes intégrés et propriétaires nommés CBTC y sont massivement utilisés. Pour autant, le CBTC n’est pas utilisable sur le réseau ferré national, car l’interopérabilité est obligatoire.

C’est ainsi que le pilotage automatique interopérable a été mis au point : c’est ERTMS/ATO. Cet autopilote fonctionne en tandem avec l’ATP ERTMS/ETCS, et fait pleinement partie du système ERTMS. Il est désormais intégré à la Spécification Technique d’Interopérabilité – Contrôle Commande et Signalisation.

Pour tirer le plein potentiel d’ERTMS/ATO, et porter une ligne à son potentiel maximal de capacité, deux éléments fondamentaux du système ferroviaire sont à moderniser. L’ATP d’une part, en passant à un niveau radio d’ERTMS/ETCS. Le TMS d’autre part, en utilisant des systèmes de gestion du trafic hautement automatisés. Ce triptyque ERTMS/ETCS niveau 2, TMS automatisé et ERTMS/ATO, deviendra incontournable ces prochaines années, pour faire du transport de masse sur le réseau ferré national, et ainsi contribuer au report modal vers le train.

Dernière mise à jour : 11/02/2024.

Temps de lecture : 59 min

1. Introduction

1.1 Le degré d’automatisation des trains

Les technologies de signalisation et automatismes ferroviaires offrent différents degrés d’automatisation de l’exploitation des trains. Une définition proposée par l’UITP (Union Internationale des Transports Publics) est le Grade of Automation (GoA), de 0 à 4.

  • GoA0 : conduite à vue,
    • En conduite à vue, le conducteur tractionne et freine le train selon ce qu’il voit dans l’environnement (signaux, obstacles, dangers). Aucun dispositif n’est là pour superviser sa conduite. La marche à vue est couramment utilisée pour le tramway, où les vitesses restent faibles.
  • GoA1 : conduite supervisée par un système de protection,
    • Le GoA1 apporte un premier niveau d’automatismes, car la conduite est supervisée par un système de protection ATP (Automatic Train Protection).
    • Un ATP peut protéger le train contre le franchissement de signaux fermés, ou le dépassement d’une vitesse limite, en appliquant automatiquement le freinage d’urgence.
  • GoA2 : traction et freinage automatisés,
    • Dans ce niveau, un autopilote génère les consignes de traction et de freinage et les envoie vers le train, à la place du conducteur : c’est l’ATO (Automatic Train Operation).
    • L’ATO génère ces consignes selon les limites de signalisation fournies par l’ATP, tout en respectant les horaires de la mission à réaliser. L’ATP continue sa supervision, et applique automatiquement le freinage d’urgence si l’ATO ne respecte pas la signalisation.
    • Le conducteur reste en cabine et continue d’observer l’environnement, afin de reprendre la main en cas de situation dégradée.
  • GoA3 : train autonome, avec du personnel à bord,
    • En GoA3, il n’y a plus de conducteur en cabine. Les aléas de l’environnement (obstacles, dangers) doivent être supervisés par d’autres moyens.
    • Du personnel reste à bord pour conseiller les passagers, et intervenir en cas d’aléas.
  • GoA4 : train autonome, sans personnel à bord,
    • Il s’agit du niveau d’automatisation le plus avancé, dans lequel il n’y a pas de personnel à bord du train.
    • C’est le degré d’automatisation des métros sans personnel à bord.
Niveaux GoA Alstom

1.2 Le GoA1

1.2.1 Principes d’un ATP

En GoA1, la conduite est manuelle et supervisée par un système de protection : un ATP (Automatic Train Protection).

De manière générale, un ATP a pour fonction de réaliser la protection du mouvement d’un train, contribuant ainsi à limiter les dangers inhérents au système ferroviaire, qui sont :

  • le déraillement : incident ou accident dans lequel un véhicule ferroviaire sort des rails, totalement ou partiellement et dont l’origine peut être diverse (avarie sur le matériel roulant ou l’infrastructure, vitesse excessive, etc.) ;
  • le nez à nez : collision frontale entre deux trains ;
  • le rattrapage : collision par l’arrière lorsqu’un train percute un autre train qui se trouve devant lui ;
  • la prise en écharpe : collision latérale entre deux trains qui se produit à une intersection ou à une jonction de voies ;
  • la collision avec un obstacle (éboulement sur la voie, véhicule routier présent sur un passage à niveau, etc.). [1]

Pour cela, un ATP récupère à tout instant les informations de signalisation, sur la base des systèmes installés au sol :

  • Poste d’aiguillage (aussi appelé enclenchement), qui transmet à l’ATP les états de l’ensemble des signaux dont il a la responsabilité,
  • Les signaux eux-mêmes, lorsqu’une connexion à l’enclenchement n’est pas possible, ou pas pertinente.

Les systèmes de signalisation au sol sont parfaitement agnostiques des trains qui circulent sur l’infrastructure. Aussi, pour superviser correctement le mouvement du train, l’ATP se base sur des informations embarquées :

  • Propriétés du train, renseignées dans l’ATP par le conducteur : longueur, masse.
  • Vitesse et position du train dans un référentiel de positionnement (souvent un référentiel propre à l’ATP),

L’ATP combine toutes ces informations, pour vérifier si le mouvement du train est autorisé :

  • Le train circule à une vitesse qui ne dépasse pas une vitesse limite,
  • Le train circule dans une enveloppe autorisée par la signalisation au sol, donc par l’ATP.

Si ce n’est pas le cas, alors l’ATP applique automatiquement le freinage, grâce à une connexion directe avec le train.

Pour les circulations à grande vitesse, où l’observation des signaux le long de la voie n’est plus possible, la fonction de signalisation de cabine a été développée pour certains ATP comme la Transmission Voie-Machine (TVM) en France, ou le Linienzugbeeinflussung (LZB) en Allemagne. Dès lors, il est possible de se passer totalement de la signalisation latérale, et de n’opérer que sur la base d’un ATP offrant la signalisation de cabine.

1.2.2 GoA1 et fiche horaire

En GoA1, le conducteur opère la traction et le freinage de son train, en respectant la signalisation (latérale, ou bien de cabine si l’ATP le propose), ainsi que la mission à réaliser.

La mission, c’est la fiche horaire, comportant l’ensemble des points de passage, et d’arrêt du train, et leur horaires associés. Avec cette fiche horaire, le conducteur conduit son train, afin d’être ni en avance, ni en retard.

La fiche horaire est un document qui est fourni par la supervision au sol. Parfois, la fiche horaire devient obsolète. C’est le cas lorsqu’il y a des perturbations sur le réseau (changement d’itinéraire, train en panne, etc). A ce moment-là, le conducteur peut appeler la supervision, afin de connaître les modifications de la mission.

On observe donc l’apparition d’une seconde interface entre le sol et le bord, l’interface dédiée à l’exploitation.

1.2.3 Les ATP et la problématique de l’interopérabilité en Union européenne

La France s’est équipée de son système de protection, le KVB, dans les années 1980. D’autres pays de l’Union Européenne ont fait appel à leur industrie nationale, afin de s’équiper de systèmes permettant de réaliser la protection des trains. Certains systèmes permettant aussi l’affichage d’informations de signalisation en cabine.

En effet, la construction des lignes à grande vitesse a engendré une problématique : le conducteur ne peut plus percevoir les signaux implantés le long des voies à des vitesses élevées. Un système affichant les informations de signalisation en cabine est alors nécessaire. Dès lors, les exploitants ont fait appel à leurs industriels nationaux pour concevoir ces systèmes. Cela a conduit à une grande diversité de systèmes de protection au sein de l’Union.

Ces systèmes présentent tous une interface sol-bord (airgap) spécifique, si bien que les systèmes sont incompatibles entre-eux. En conséquence, un train opérant dans différents pays de l’Union, doit impérativement s’équiper de l’ensemble des ATP requis par chaque réseau. Cela est un frein considérable à l’interopérabilité.

Systèmes de protection des trains utilisés en Europe, dont ERTMS/ETCS.

On entend par «interopérabilité», l’aptitude d’un système ferroviaire à permettre la circulation sûre et sans rupture de trains qui accomplissent les niveaux de performance requis.

Directive 797/2016

Union Européenne

1.2.4 Vers la genèse d’un ATP standard en Europe : ERTMS/ETCS

L’existence de plus de 20 systèmes de protection en Europe devenant un obstacle important à l’interopérabilité, le développement d’un ATP standardisé commence à être discuté fin des années 1980. La Commission Européenne s’empare du sujet en 1995 en définissant une stratégie pour le développement de ce système. Plusieurs entreprises de signalisation, regroupées au sein d’une structure appelée UNISIG, rédigent les spécifications du système en 1998. [2]

Les spécifications donnent naissance au premier ATP standard : ETCS (European Train Control System). A ce jour, les ATP nationaux sont obsolètes. Ils sont nommés systèmes legacy (hérités) ou encore systèmes de classe B dans la nomenclature de l’Union Européenne. Les systèmes de classe B doivent être remplacés par l’ATP ETCS à terme. [3]

ERTMS/ETCS : le système européen de contrôle des trains

1.3 Le GoA1 et les aides à la conduite

1.3.1 Le cruise control

Le régulateur de vitesse (cruise control) est une fonction de confort parfois proposée au conducteur.

Citons par exemple :

  • En France : la vitesse imposée (VI), un automatisme qui suit une vitesse cible, renseignée par le conducteur. Cet automatisme n’étant pas asservi par l’ATP, il peut à tout moment déclencher une prise en charge ATP, si la vitesse imposée dépasse la vitesse limite autorisée par l’ATP.
  • En Allemagne : l’AFB (Automatische Fahr- und Bremssteuerung), qui, combiné à l’ATP allemand dédié à la grande vitesse LZB, tractionne et freine le train, en suivant la vitesse limite imposée par l’ATP. Ainsi, la connexion entre ATP et cruise control permet d’éviter toute prise en charge ATP.

1.3.2 Le DAS

Le DAS (Driver Assistance System) est un dispositif numérique d’aide à la conduite des trains. Il indique au conducteur en temps réel comment il doit conduire son train (indications de traction et de freinage), selon :

  • La position du train sur le plan de voies (le DAS est en général une appli installée sur une tablette, équipée d’un récepteur GPS),
  • Les propriétés du plan de voies (rampes, pentes, courbes),
  • Les horaires à respecter pour le bon déroulement de la mission.

L’application DAS installée sur la tablette récupère les données de mission auprès du système de gestion du trafic. Cette récupération peut être ponctuelle (par exemple une fois par jour) ou bien continue. Lorsque le DAS récupère de manière continue les données de mission, on parle de DAS connecté (C-DAS : Connected DAS).

Le DAS est un outil intéressant pour accompagner les conducteurs dans la mise en oeuvre de l’écoconduite, en roulant le plus possible en marche sur l’erre (c’est à dire rouler sans traction – roue libre). En France, c’est l’outil Opticonduite qui est utilisé.

De nombreuses entreprises ferroviaires ont équipé leurs conducteurs de tablettes, équipés d’applications offrant la fonctionnalité DAS. Cette situation n’est pas sans rappeler celle des ATP, qui se sont multipliés partout dans l’Union européenne, sans la moindre harmonisation.

Afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’avec les ATP, l’Union Internationale des Chemins de Fer (UIC), a entamé un processus de standardisation des DAS connectés (C-DAS), et plus particulièrement de l’interface entre le bord et le sol : le fameux airgap.

Ainsi, le protocle SFERA a été mis au point, afin de proposer un C-DAS interopérable, avec un airgap standardisé. Ceci est possible par l’introduction d’une application C-DAS au sol, qui permet de faire l’adaptation du système de gestion de trafic existant, vers le format standard. La connexion entre C-DAS Bord et C-DAS Sol se fait le plus souvent par le réseau mobile grand public.

De cette façon, lorsque le train passe une frontière, le C-DAS à bord du train se déconnecte du C-DAS Sol du pays A, pour se connecter au C-DAS Sol du pays B, et récupérer les informations de mission du pays B.

En 2024, de nombreuses entreprises ferroviaires, ainsi que des gestionnaires d’infrastructure, ont démarré la migration de leurs DAS spécifiques, vers des C-DAS interopérables conformes au protocole SFERA. Ceci permettra l’utilisation continue du C-DAS pour des trajets internationaux.

1.4 Vers le GoA2

Dans cette introduction, nous avons compris que la caractéristique majeure du GoA1 est la supervision de la conduite par un dispositif de protection automatique du train : un ATP. La multiplication des ATP dans l’Union, sans la moindre harmonisation, a rendu l’interopérabilité encore plus complexe, puisque les trains doivent être équipés de tous les ATP requis des pays traversés. Pour répondre à ce problème, ERTMS/ETCS a été mis au point : c’est l’ATP standard européen. ERTMS/ETCS remplacera à terme les ATP nationaux, aussi appelés systèmes de classe B.

Nous avons également compris que des sytèmes d’aide à la conduite existent en GoA1. Citons :

  • La régulation automatique de vitesse, le cruise control, qui peut être asservie par l’ATP, ou non,
  • Le DAS, qui indique au conducteur comment celui-ci peut conduire de la meilleure manière possible son train, selon les horaires de la mission, et pour réaliser des économies d’énergie. Le DAS ayant été rapidement adopté par les entreprises ferroviaires pour faire des économies d’énergie, mais sans la moindre harmonisation, l’UIC a lancé un travail de standardisation de l’airgap, avec le protocole SFERA. Ceci afin de permettre l’utilisation du même DAS, dans différents pays, et donc de permettre le passage de frontières sans rupture.

La transition de GoA1 à GoA2 se fait par l’utilisation d’un automatisme, qui repart des fonctions de cruise control, C-DAS et va au-délà : c’est l’ATO (Automatic Train Operation). Découvrons l’ATO et les principes du GoA2 dans le chapitre suivant.

2. Le GoA2, le pilotage automatique en présence d’un conducteur

2.1 Les principes de l’ATO

En GoA2, c’est donc un dispositif nommé ATO, qui réalise les commandes de traction et de freinage du train. Le conducteur est présent en cabine, et est responsable de :

  • l’engagement de l’ATO,
  • la surveillance de l’échange voyageurs en station,
  • la surveillance de la voie, notamment en cas d’obstacle,
  • la gestion de toute situation dégradée.

Le rôle de l’ATO est de tractionner et freiner le train. Pour ceci, il se base sur un certain nombre de données d’entrées :

  • La signalisation applicable au train : l’ATO doit inscrire sa conduite dans les prescriptions de la signalisation. S’il ne respecte pas la signalisation, alors l’ATO provoquera l’intervention de l’ATP, comme en GoA1.
  • Les horaires de la mission à respecter : c’est l’équivalent de la fiche horaire en GoA1. Avec les horaires, l’ATO sait à quelle heure il doit passer à tel endroit.
  • Les données du plan de voies : c’est la description des voies que l’ATO va emprunter. Avec ces informations, l’ATO « voit loin » et peut anticiper sa manière de piloter le train.
  • Les propriétés du train, comme la longueur, la masse, les caractéristiques de freinage… Avec ces données, l’ATO peut adapter sa conduite selon la typologie de convoi.
  • Le style de conduite : il s’agit de la manière dont l’ATO a été optimisé, pour produire un style de conduite optimum selon le type de train et de mission à réaliser. Le style de conduite est un élément de différenciation parmi les industriels, et représente un véritable savoir faire.

En sortie, l’ATO va commander la traction et le freinage du train. Il va également envoyer un rapport périodique à la gestion de trafic au sol, sur le statut actuel de l’exécution de la mission : à l’heure, en avance, en retard.

On comprend que l’ATO requiert de nombreuses données d’entrée, pour réaliser sa fonction de traction et freinage automatique. Pour récupérer toutes ces informations, l’ATO est en interface avec :

  • Un système de gestion du trafic, appelé TMS (Traffic Management System) qui procure à l’ATO les données horaires et de plan de voies actualisées. Cette liaison continue permet à l’ATO d’avoir à tout instant le schéma d’exécution à jour. En retour, l’ATO envoie périodiquement le statut d’exécution de la mission. Cette interface est dédiée à l’exploitation : elle permet aux superviseurs en centre de contrôle, d’avoir une vue globale sur les trains équipés d’ATO sur une ligne. En cas de perturbations, les superviseurs peuvent prendre des décisions qui s’appliquent immédiatement aux ATO concernés, par l’envoi d’une mise à jour des horaires,
  • L’ATP, qui procure à l’ATO les informations de signalisation applicables,
  • Le conducteur, qui interagit avec l’ATO (pour renseigner les données train, engager ou désengager l’ATO par exemple),
  • Le train, par le biais de son système de contrôle-commande, le TCMS (Train Control & Monitoring System). C’est par cette interface que l’ATO envoie les commandes de traction et de freinage.

2.2 Les bénéfices apportés par le pilotage automatique

2.2.1 Par ici les économies !

L’ATO bord a un avantage : il « voit loin » grâce aux horaires et aux caractéristiques de la voie empruntée (pentes, rampes, courbes). Par ailleurs, l’ATO bord est configuré par la mission et le conducteur sur les caractéristiques du train (catégorie de train, longueur, masse). Avec toutes ces données, l’algorithme est capable de piloter très finement la traction, et de profiter le plus possible de la marche sur l’erre. La marche sur l’erre, c’est rouler sans traction, uniquement avec l’inertie du train, et cela fait faire des économies !

Un autre gisement d’économies réside dans l’usure du matériel roulant. Par une conduite optimisée et durable, l’ATO peut réduire l’usure du train, et ainsi réduire les frais de maintenance.

Dans une présentation donnée à l’Agence Européenne du Rail en 2017, deux exemples mettent en lumière des réductions possibles de consommation d’énergie, par uniformisation des profils de conduite avec l’ATO sur une flotte de trains :

  • En intercités, cela permettrait jusqu’à 15% d’économies potentielles,
  • En suburbain, cela permettrait jusqu’à 42% d’économies potentielles.

2.2.2 Le gain de capacité d’une ligne

Si l’ensemble des trains d’une ligne donnée est équipé d’ATO, et qu’ils sont tous engagés, alors la manière de conduire de la flotte de trains est homogène. Ainsi, il n’existe plus de disparités dans la manière de conduire les trains, et la dispersion horaire dans le schéma d’exécution est réduite.

De plus, l’ATO peut conduire au plus près des limitations de l’ATP, et bien plus finement qu’en conduite manuelle.

La combinaison de ces deux facteurs libère des capacités supplémentaires sur une ligne, qui peuvent être utilisées en injectant davantage de trains dans la table horaire.

Note : le type d’ATP et les principes de gestion d’espacement sous-jacents sont un facteur supplémentaire de gains de capacités, dont l’ATO tire pleinement partie. Pour plus de détails, voir cette section de l’article ERTMS/ETCS.

2.2.3 La réactivité dans l’exploitation

L’interface numérique entre l’ATO et le TMS permet à l’exploitation d’être très réactive (et même proactive), en cas de perturbations sur le réseau.

En effet, le TMS connaît la table horaire théorique à exécuter. Il connait par ailleurs le statut de tous les ATO qu’il supervise, grâce au statut envoyé périodiquement par l’ATO vers le TMS.

Avec ces informations, le TMS peut identifier de potentielles perturbations à venir sur le réseau, si un train est en avance ou bien en retard sur son horaire (via l’information du statut ATO). Ainsi, les superviseurs, aidés du TMS, peuvent optimiser en temps-réel l’exploitation de la ligne, en envoyant des mises à jour de missions aux ATO concernés.

Le duo ATO-TMS est un exemple emblématique des gains en réactivité d’exploitation offerts par l’informatisation, la numérisation et l’automatisation du système ferroviaire.

2.3 Le GoA2 : les débuts avec le métro

2.3.1 Historique

L’ATO a un historique important dans le monde du métro. Les premiers métros ont été équipés du pilotage automatique dès les années 1960.

A cette époque, les systèmes étaient analogiques. Le métro tractionnait et freinait automatiquement selon un profil de conduite enregistré à l’avance dans des tapis au sol. C’était le principe utilisé par le système PA 135 de la RATP. A noter qu’en 1979, 90% du réseau de métro parisien était équipé du pilotage automatique. [4]

2.3.2 Le CBTC

Les systèmes analogiques ont été progressivement rendus obsolètes par l’arrivée de solutions numériques dans les années 1990. Le système utilisé majoritairement aujourd’hui par les métros s’appelle CBTC (Communication based train control). C’est un système intégré, avec un lien radio permanent entre le métro et les installations au sol. Il propose la fonction d’ATP, d’ATO, ainsi que la fonction de supervision et de gestion du trafic (TMS). Les systèmes de signalisation fondamentaux comme les enclenchements et la détection des trains peuvent faire partie du CBTC.

Le CBTC est la plupart du temps un système intégré, où le même industriel procure ATP, ATO et TMS. Un système intégré offre l’avantage à l’industriel de maîtriser la conception de sa solution globale, et d’effectuer les arbitrages techniques nécessaires, pour que l’ensemble du système atteigne les performances requises.

En revanche, un système intégré est par définition un système propriétaire. En conséquence, l’opérateur et l’infrastructure se retrouvent dépendants de l’industriel ayant procuré la solution de CBTC. Il s’agit de vendor lock-in.

Dans le cadre d’une ligne de métro, cela ne pose pas nécessairement de difficultés. En effet, la ligne de métro étant un périmètre bien délimité, avec un matériel roulant affecté à cette ligne, un système intégré fait sens : la priorité va à la performance. Et dans le contexte du métro, la performance est l’intervalle entre deux métros, permettant un nombre élevé de passagers par heure et par sens (PPHPD).

En revanche, sur le réseau ferré national, mettre en place une solution propriétaire est impossible. En effet, l’ensemble des réseaux ferrés nationaux de l’Union, conformément à la Directive 797/2016, doivent tendre vers l’espace ferroviaire européen unique. Ainsi, sur le réseau ferré national, c’est l’interopérabilité la priorité.

Nous allons le voir avec le nouveau terrain de jeu du pilotage automatique : le suburbain et les RER, qui circulent en partie sur le réseau ferré national.

Pour permettre aux citoyens de l’Union, aux opérateurs économiques ainsi qu’aux autorités compétentes de bénéficier pleinement des avantages découlant de la mise en place d’un espace ferroviaire européen unique, il y a lieu, en particulier, de favoriser l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux ferroviaires nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux, et de mettre en œuvre toute mesure pouvant s’avérer nécessaire dans le domaine de l’harmonisation des normes techniques, comme prévu à l’article 171 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Union Européenne

Directive 797/2016

2.4 Le suburbain : le nouveau terrain de jeu du GoA2

2.4.1 Le RER A : le premier cas d’application du GoA2 au suburbain en France

Avec 308 millions de voyageurs par an, et 50 000 voyageurs par heure dans le tronçon central (par sens et en pointe), le RER A est une ligne très chargée, et importante pour le système de transport collectif en Île-de-France. [5]

Pour répondre à la hausse de fréquentation, et augmenter la performance sur le tronçon central, le RER A a d’abord été équipé en 1989 d’un ATP offrant fonction de signalisation de cabine : le SACEM. En 2018, le pilotage automatique sur SACEM a été mis en place sur le tronçon central, entre Nanterre-Préfecture et Val-de-Fontenay / Fontenay-sous-Bois, où la fréquentation est la plus élevée.

Ainsi, après avoir été longtemps utilisé pour les métros, le pilotage automatique fait son entrée dans le monde du surburbain avec les RER. [6]

Charge voyageurs sur chaque branche. Nous observons que la charge voyageurs est la plus élevée sur le tronçon central, où SACEM, puis le pilotage automatique, ont été déployés. Source

L’introduction du pilotage automatique sur SACEM en 2018 offre, selon le constructeur, une amélioration de la régularité et un gain de temps de 2 min sur le parcours moyen entre les stations de Vincennes et La Défense. [6]

Pour autant, SACEM est un système propriétaire mis en place en 1989, et l’ATO compatible avec SACEM, déployé sur les trains du RER A, reste un produit spécifique. Ainsi, déployer ce type de systèmes propriétaires pour d’autres RER ne fait plus sens aujourd’hui, puisque l’interopérabilité est nécessaire. Découvrons quelle solution a été imaginée sur le RER E, pour répondre à cet impératif.

2.4.2 Le RER E et le système NExTEO : un compromis entre performance et interopérabilité

Nous avons vu que le CBTC est une solution intéressante pour augmenter la capacité d’une ligne, en combinant les fonctions ATP/ATO/TMS. Cette intégration des fonctions dans une solution globale, laisse des degrés de liberté à l’industriel, pour concevoir au mieux son système, et ainsi répondre aux requis de performance du client.

En revanche, le CBTC est propriétaire, et ne peut pas être installé sur le réseau ferré national. En effet, le réseau ferré national doit s’insérer dans l’espace ferroviaire unique européen. Par conséquent, un seul type d’ATP doit être utilisé, l’ATP standard européen : ERTMS/ETCS.

Les ATP nationaux installés avant la création d’ERTMS/ETCS, sont des systèmes de classe B. Lors de la création d’ERTMS/ETCS, il a été prévu de le rendre compatible avec les systèmes de classe B, ceci afin de permettre une cohabitation entre les systèmes, durant la migration. Pour mieux comprendre cet aspect, je vous renvoie à ce paragraphe de l’article sur ERTMS/ETCS.

Dans le cas du RER E, nous avons un tronçon central dans Paris, qui ne verra passer que des trains du RER E, et des tronçons en dehors de Paris, qui relèvent du réseau ferré national. Or c’est sur le tronçon central que le besoin en capacité sera le plus important, similairement au RER A.

Carte de la ligne du RER E. Source

Partant de ce constat, appliquons le raisonnement suivant :

  • Le tronçon central est assez isolé du réseau ferré national, ne verra passer que des trains du RER E, et pourrait être équipé d’un CBTC,
  • Le réseau ferré national doit faire partie de l’espace ferroviaire unique européen, avec l’ATP ERTMS/ETCS,
  • ERTMS/ETCS peut être utilisé en cohabitation avec un système de classe B, via le module STM,
  • Si le CBTC est considéré comme un système de classe B, il peut cohabiter avec ERTMS/ETCS,
  • Par conséquent, les trains du RER E, qui circulent à la fois sur le réseau ferré national, et le tronçon central, pourraient être équipés d’ERTMS/ETCS (obligatoire pour tout train neuf aujourd’hui), et d’un CBTC système de classe B.

Ce raisonnement a donné naissance à NExTEO, un concept générique de CBTC, approuvé comme système de classe B par l’agence européenne du rail (ERA). Cette approbation n’étant valable que pour la région parisienne. [7]

Ainsi, NExTEO est un concept intéressant, en ce sens où il permet de profiter des avantages offerts par le CBTC, pour des zones du réseau ferré où la fréquentation est très élevée, et qui peuvent faire l’objet d’un déploiement d’un système de classe B NExTEO (Île-de-France). La compatibilité avec ERTMS/ETCS permet la cohabitation du CBTC et d’ERTMS/ETCS à bord des trains.

Ce concept peut s’appliquer dans des contextes de tronçon central traversant Paris, comme les RER A et E. C’est pourquoi NExTEO va également être déployé sur les RER B et D. [8]

En revanche, pour des RER qui utilisent totalement le réseau ferré national, et où un système propriétaire est impossible à mettre en oeuvre (l’approbation de NExTEO par l’ERA n’étant valable qu’en Île-de-France), nous avons besoin d’un système de pilotage automatique standardisé et interopérable. C’est là qu’entre en jeu ERTMS/ATO.

3. ERTMS/ATO : l’autopilote interopérable

Ce chapitre se base sur le SUBSET-125 version 1.0.0.

3.1 Introduction

3.1.1 La création d’ERTMS/ATO

Lors de la conception d’ERTMS/ETCS, il n’était pas prévu d’y accoler un autopilote, permettant de gérer automatiquement la traction et le freinage du train, en présence d’un conducteur (GoA2). C’est à partir de la décennie 2010 que les opérateurs et industriels se mettent autour de la table, afin de concevoir et spécifier l’option d’autopilotage fonctionnant avec ERTMS/ETCS : c’est ATO over ETCS (AoE).

ATO over ETCS a intégré la révision 2023 de la Spécification Technique d’Interopérabilité – Contrôle-Commande et Signalisation, et plus généralement, le système ERTMS. C’est pourquoi ATO over ETCS est officiellement nommé ERTMS/ATO.

ERTMS/ATO devient la solution de référence pour mettre en place du pilotage automatique sur le réseau ferré national, et par extension sur le futur espace ferroviaire unique européen.

3.1.2 Définitions d’ERTMS/ATO

ERTMS/ATO procure un ensemble de fonctions non sécuritaires relatives à la traction et au freinage automatiques, à l’arrêt du train à une position précise, à l’ouverture et fermeture automatiques des portes, et à d’autres fonctions habituellement de la responsabilité du conducteur.

ERTMS/ATO couvre plusieurs utilisations, allant de la conduite manuelle assistée (GoA1 C-DAS), jusqu’à l’exploitation intégralement automatisée (GoA4). Le degré d’automatisation de l’exploitation étant celui supporté à la fois par le matériel roulant, et l’infrastructure au sol, sur un itinéraire donné.

ERTMS/ATO est compatible avec l’ATP ERTMS/ETCS en niveaux 1 et 2.

La spécification d’ERTMS/ATO, le SUBSET-125, ne couvre pas :

  • l’utilisation d’ERTMS/ATO sans ERTMS/ETCS embarqué,
  • les niveaux d’automatisation GoA3 et GoA4.

3.1.3 Décomposition d’ERTMS/ATO

ERTMS/ATO est décomposé en deux deux-systèmes :

  • ATO Sol (ATO Trackside) : c’est une passerelle, connectée aux systèmes informatiques existants. L’ATO Sol récupère les données horaires et les plan de voies des TMS, par le biais d’une interface qui ne fait pas l’objet d’une standardisation. En effet : les TMS sont des systèmes qui existent déjà, et qui sont spécifiques.
  • ATO Bord (ATO Onboard) : c’est le pilote automatique qui commande le train, et qui reçoit de l’ATO Sol les données horaires et de plan de voies, dans un format standardisé, afin de garantir l’interopérabilité.

Illustration d’ERTMS/ATO, avec les équipements à bord et au sol.

Crédit : SIEMENS

3.2 Journey Profiles & Segment Profiles

3.2.1 Généralités

Lorsqu’un conducteur conduit son train, il respecte la mission qui lui a été confiée. Cette mission, c’est la fiche horaire : le conducteur sait avec ce document à quelle heure il est supposé traverser telle gare ou tel point remarquable. C’est avec cette fiche horaire que le conducteur gère la traction et le freinage de son train, afin d’être ni en avance, ni en retard.

L’ATO Bord a le même objectif. Il doit respecter les horaires qui lui ont été confiés. Pour cela, il s’appuie sur une donnée d’entrée qui s’appelle le Journey Profile.

3.2.2 Journey Profiles (JP)

Le JP définit l’itinéraire d’un train donné dans l’infrastructure, et liste un ensemble de Segment Profiles (SP), caractérisant les voies que le train va parcourir.

Ainsi, le Journey Profile contient un ensemble d’informations permettant à l’ATO Bord de connaître :

  • l’itinéraire dans l’infrastructure, en fournissant une liste de segments de voie (les Segment Profiles), que l’ATO Bord doit demander à l’ATO Sol :
    • Identifiant des SPs,
    • Version des SPs,
    • Direction de déplacement des SPs,
  • les données opérationnelles (la mission), contenant une liste de :
    • Timing Points (TP – points de passage horaires) et leur identifiant,
    • L’heure d’arrivée et la tolérance associée,
    • L’alignement des TP,
    • et d’autre caractéristiques, parcourables dans la clause 6.4.2.1 du SUBSET-125.
  • les contraintes éventuelles sur le réseau, comme des zones de restriction de vitesse, d’adhérence dégradée ou d’inhibition de l’autopilotage.

Le Journey Profile est l’élément de départ. Il fait référence à une seconde donnée d’entrée pour l’ATO Bord : les caractéristiques de la voie qui sera empruntée par l’itinéraire dans l’infrastructure. C’est le Segment Profile.

3.2.3 Segment Profiles (SP)

Le Segment Profile contient des informations caractérisant les voies de l’itinéraire dans l’infrastructure, requis par le Journey Profile. Ainsi, l’ATO Sol doit envoyer à l’ATO Bord, les SPs contenant les données de voies requises pour l’opération de l’ATO Bord.

Le contenu du Segment Profile pourra être consulté dans les clauses 6.4.3.2 et 6.4.3.3 du SUBSET-125.

3.3 L’interaction entre ATO Sol et ATO Bord

3.3.1 ATO Sol : la boîte aux lettres

L’ATO Sol est une application, pouvant fonctionner sur un ou plusieurs serveurs. Elle est connectée au TMS, et plus généralement aux systèmes informatiques du gestionnaire d’infrastructure. L’ATO sol récupère à tout instant les données horaires, ainsi que les propriétés du plan de voies, qui lui sont mises à disposition par le TMS et les outils informatiques du gestionnaire d’infrastructure. Il adapte ces informations, dans le format du standard, c’est-à-dire Journey Profiles et Segment Profiles.

A bord du train, nous avons la partie bord de l’ATO. Lorsque l’ATO bord est réveillé, il connait l’adresse IP de son ATO sol de référence. Ainsi, il va ouvrir une liaison, et demander à l’ATO sol s’il a une mission pour lui. Si c’est le cas, l’ATO sol lui envoie un Journey Profile. L’ATO bord pourra demander à l’ATO sol les Segment Profiles associés. S’il n’existe pas de mission pour cet ATO bord, alors celui-ci va continuer à interroger régulièrement l’ATO sol.

Ainsi, l’ATO Sol agit comme une boîte aux lettres, en convertissant les informations spécifiques provenant des TMS et outils informatiques du gestionnaire d’infrastructure, au format standard JP+SP, et en les envoyant à l’ATO Bord concerné.

ATO over ETCS : mission

La liaison entre l’ATO bord et l’ATO sol peut utiliser le réseau public 2G/3G/4G/5G, ou bien le réseau mobile dédié aux applications ferroviaires, le GSM-R et à terme le FRMCS.

3.3.2 ATO bord : l’autopilote aux manettes

L’ATO bord, c’est l’autopilote qui va commander la traction et le freinage du train. Pour cela, l’ATO bord va utiliser les Journey Profile et Segment Profile qui lui ont été envoyés par l’ATO sol, afin de réaliser la mission.

De plus, l’ATO doit conduire le train en respectant les informations de signalisation qui lui sont transmises. S’il ne le fait pas, l’ETCS applique le freinage d’urgence.

Schéma représentant les systèmes standardisés ERTMS/ETCS et ERTMS/ATO. Les interfaces standardisées sont en orange.

3.4 La fonction de conduite d’ERTMS/ATO

ERTMS/ATO s’appuie sur un ensemble de fonctions, l’une d’entre-elles étant la fonction de conduite, sur laquelle nous allons nous concentrer.

La fonction de conduite (ATO driving function) est décomposée en quatre sous fonctions :

  1. Time Table Speed Management (TTSM). Avec cette fonction, l’ATO bord calcule un profil de vitesse dont l’objectif est d’arriver à l’heure aux Timing Points définis dans le JP, tout en minimisant le plus possible la consommation d’énergie. Ce profil de vitesse est appelé Optimum Speed Profile.
  2. Supervised Speed Envelope Management (SSEM). Avec cette fonction, l’ATO bord calcule un profil de vitesse maximum que le train peut suivre, sans être pris en charge par l’ETCS.
  3. Automatic Train Stopping Management (ATSM). Avec cette fonction, l’ATO bord calcule un profil de vitesse permettant de stopper le train automatiquement aux Stopping Points.
  4. ATO Traction / Brake Control. Avec cette fonction, l’ATO bord génère les commandes vers le train, afin de suivre le profil de vitesse ATO Operational Speed Profile, qui est la combinaison des profils de vitesse de TTSM, SSEM et ATSM. Le train utilisera ces commandes, afin de tractionner et freiner.

3.5 L’interaction avec le conducteur

L’ATO est un nouveau système pour le conducteur. L’interaction entre le conducteur et l’autopilote doit être la plus fluide possible, pour ne pas rajouter de la complexité supplémentaire.

La solution ERTMS/ATO utilise l’écran d’interface d’ERTMS/ETCS, le DMI (Driver Machine Interface), afin d’afficher au conducteur les informations sur l’état du système, et les données liées à la mission (heure, prochain arrêt). Le conducteur, par appui sur des boutons, peut engager l’ATO ou le désengager. C’est aussi par le DMI, que le conducteur réalise l’entrée des données train, requises à la fois par ERTMS/ETCS et ERTMS/ATO.

3.6 Architecture d’ERTMS/ATO

3.6.1 Construction du système

ERTMS ATO GoA2 (credit Antoine BLAS)

Architecture stylisée du système ERTMS/ATO (GoA2), et de ses acteurs. Crédit : Antoine BLAS pour Voie Libre.

Le point de départ est le train dont nous souhaitons piloter automatiquement la traction et le freinage, pour opérer la mission. Le système de contrôle-commande du train (TCMS) doit être prévu pour fonctionner avec un autopilote. Si ce n’est pas le cas, par exemple pour un train déjà existant qui fait l’objet d’une modernisation, alors des adaptateurs sont nécessaires. En effet, les trains actuels ont été conçus pour être pilotés uniquement via un pupitre de conduite !

L’ATO à bord (ATO-OB) commande la traction et le freinage au TCMS, en respectant les informations de signalisation qui lui sont fournies par l’ETCS à bord (ETCS-OB). L’ETCS à bord reçoit les informations de signalisation du sol par les systèmes ETCS installés à la voie (ETCS-TS), qui récupèrent l’état de la signalisation à la source : le système d’enclenchement (Interlocking).

L’ATO à bord (ATO-OB) respecte les horaires de la mission, qui a été transmise par l’ATO au sol (ATO-TS), qui a le rôle de boîte aux lettres. La liaison entre ATO bord et sol se fait par radio en utilisant la 2G/3G/4G/5G en fonction du réseau disponible.

L’ATO au sol (ATO-TS) est une application logée dans un serveur. Elle récupère du système de gestion de trafic (Traffic Management System) le schéma opératoire en vigueur à tout instant sur le réseau ferré. Toute mise à jour du schéma opératoire (par exemple modification d’horaires ou de points d’arrêts), est détectée par l’ATO au sol, et transmise à l’ATO bord concerné.

Sur le schéma ci-dessus, on retrouve donc :

  • le monde du matériel roulant, en bleu clair,
  • le monde de l’exploitation, en bleu foncé,
  • le monde de la signalisation, en rouge.

3.6.2 Architecture détaillée d’ERTMS/ATO

ATO over ETCS architecture

Architecture ERTMS/ATO. Source : SUBSET-125 version 1.0.0.

La figure ci-dessus représente l’architecture du système complet :

  • ERTMS/ATO en vert, décrit dans le SUBSET-125
  • Signalisation embarquée ETCS-OB en gris clair, décrite dans le SUBSET-026
  • Conducteur, train et enregistreur juridique en gris foncé

Sur cette architecture, on peut tout de suite identifier les interfaces internes et externes du système ERTMS/ATO. Les interfaces FFFIS (Form-Fit Function Interface Specification) permettent une interchangeabilité des composants : elles sont plug’n’play. Cela signifie concrètement qu’il est possible d’utiliser un système ETCS d’Alstom, avec un ATO d’Hitachi par exemple.

L’interface interne se résume à celle entre l’ATO sol (ATO/DAS Trackside) et l’ATO bord (ATO/DAS onboard) : c’est le SUBSET-126. C’est cette interface qui permet l’envoi des Journey Profile et Segment Profile. Le SUBSET-148 précise les couches de transport et de sécurité de l’interface.

Passons maintenant aux interfaces externes.

Afin de ne pas provoquer de freinage d’urgence, l’ATO bord respecte les informations de signalisation qui lui sont transmises par l’ETCS bord. Cette interface est le SUBSET-130. La spécification de l’ERTMS/ETCS, le SUBSET-026 en version 4.0.0, spécifie les nouveautés permettant la prise en charge d’ERTMS/ATO. Le SUBSET-143 précise les couches de communication de l’interface.

Lorsque l’ATO commande la traction et le freinage au train, il communique avec le système de contrôle-commande du matériel roulant. Cette communication se fait via l’interface SUBSET-139. Le SUBSET-147 précise les couches de communication de l’interface.

L’ensemble des SUBSETs est disponible dans la bibliothèque.

3.7 ERTMS/ATO prototypé et testé

En parallèle de la conception du système et de sa documentation, les industriels du groupe de travail ont réalisé des prototypes.

Ces prototypes ont été testés sur des plateformes de simulation, notamment afin de tester l’interopérabilité. Pour chaque test de référence, l’ETCS bord, l’ATO sol et l’ATO bord étaient tous fournis par un industriel différent, afin de vérifier que l’ensemble fonctionne correctement grâce aux interfaces standard.

ERTMS/ATO a également été testé sur un train britannique, dont vous pourrez voir une vidéo ci-dessous.

La solution ERTMS/ATO a également été testée en France, sur la ligne Longwy-Longuyon équipée de l’ERTMS/ETCS Niveau 1. La locomotive BB27000 du projet Train de Fret Autonome, équipée d’un bi-standard ERTMS/KVB d’Alstom, et du système ERTMS/ATO, a circulé en octobre 2020 pour l’expérimentation. [9]

4. Perspectives

4.1 Migration vers ERTMS/ATO

Qui dit ATO over ETCS dit… ETCS. Le système ne fonctionne pas sur une ligne qui n’est pas encore équipée du système de signalisation ERTMS/ETCS. Or le déploiement de ce système demande du temps.

Cette situation pose un sérieux problème aux entreprises ferroviaires souhaitant lancer sans attendre le pilotage automatique, afin de bénéficier de la réduction de consommation d’énergie. Elle retarde donc l’adoption de la solution ERTMS/ATO.

Afin de pallier cette difficulté, des expérimentations de la solution ERTMS/ATO basée sur la perception visuelle de la signalisation latérale sont menées par des opérateurs.

En janvier 2022, les équipes du projet Train de Fret Autonome démontrent la faisabilité du pilotage automatique, en utilisant la solution standard ERTMS/ATO (GoA2), alimentée par des systèmes de perception visuelle et de conversion de la signalisation latérale. La vidéo ci-dessous présente les essais conduits du 24 au 28 janvier 2022 sur la ligne Longwy-Longuyon. [10]

4.2 Augmentation de capacité avec ERTMS/ETCS niveau 2

Nous avons vu que le système ERTMS/ATO utilise ERTMS/ETCS comme ATP, et qu’il est possible d’utiliser ERTMS/ATO à la fois en niveaux 1 et 2 de l’ETCS.

Le niveau 1 étant semi-ponctuel en terme de transmissions de données de signalisation entre le bord et le sol, il ne permet pas de porter une ligne à son potentiel maximal de capacité.

Le niveau 2, en revanche, est basé sur la transmission continue via la radio. Par conséquent, porter une ligne à son potentiel maximal de capacité, d’un point de vue ERTMS/ETCS, passe par l’installation du niveau 2. Une augmentation supplémentaire de capacité peut-être obtenue, par l’utilisation du canton mobile, soit en pur canton mobile virtuel, ou bien en niveau 3 hybride. C’est la raison pour laquelle le niveau 2 est la solution de référence du système cible vers lequel l’espace ferroviaire unique européen doit tendre. [11]

4.3 Augmentation de capacité avec des TMS modernes

Nous avons vu que le système ERTMS/ATO utilise une passerelle au sol (ATO sol), afin de se connecter aux systèmes informatiques de gestion de trafic du gestionnaire d’infrastructure. Evidemment, la performance et la réactivité de l’exploitation est conditionnée par la performance de cet outil informatique de gestion du trafic.

Tendre vers du transport de masse, avec des intervalles réduits entre les trains, et du pilotage automatique, nécessite l’utilisation de systèmes informatiques de gestion du trafic performants et hautement automatisés. Cette automatisation permet au TMS de traiter un grand nombre de trains pilotés automatiquement sur une même ligne, et d’anticiper les potentiels ralentissements à venir sur la ligne, grâce aux statuts envoyés par les ATO vers le sol.

Note : dans cet article, j’ai systématiquement utilisé le terme TMS (Traffic Management System) pour désigner les systèmes informatiques de gestion du trafic. Ce terme est employé dans le contexte Grandes Lignes (Mainline). Dans le context urbain, on parlera d’ATS (Automatic Train Supervision).

La vidéo ci-dessous montre comment la mise en oeuvre d’un ATS performant sur le RER E, est une condition initiale pour permettre le transport de masse.

4.4 ERTMS/ATO GoA4

La prochaine étape pour le système ERTMS/ATO est d’aller du niveau d’autonomie GoA2 vers les niveaux GoA3 et GoA4. Les travaux de spécification ont commencé en 2019, au sein du projet Shift2Rail X2RAIL-4, et se sont terminés en décembre 2023, avec la publication d’un premier document. Les travaux de spécification, prototypage et démonstration se poursuivent dorénavant au sein du projet R2DATO. Ces résultats alimenteront l’activité de standardisation du Pilier Système, afin de mettre à jour les Spécifications Technique d’Interopérabilité en conséquence.

Le passage de GoA2 vers GoA3/4 ouvre des problématiques complexes : perception de l’environnement, détection des aléas, prises de décisions en fonction des aléas. De nouvelles technologies sont requises :

  • Vision par ordinateur (computer vision),
  • Localisation absolue aidée par satellites et centrales inertielles,
  • Prise de décision automatisée.
Les défis d'ERTMS/ATO GoA4

Synthèse

En niveau d’automatisation GoA1, des aides à la conduite existent permettant la régulation de vitesse, ou encore l’affichage de recommandations de conduite, afin de pratiquer l’éco-conduite. Le tout en étant constamment supervisé par le système de protection du train, l’ATP.

C’est en GoA2, qu’un dispositif permet de piloter automatiquement le train, en prenant en compte un ensemble d’informations en entrée, entre autres les horaires de la mission, ainsi que la signalisation à respecter.

Le pilotage automatique offre des bénéfices clairs. Il permet de réduire la consommation d’énergie par une conduite optimisée et durable. De plus, il permet d’uniformiser la conduite d’une flotte de trains, ce qui réduit la dispersion horaire dans le schéma d’exécution. Cela dégage des capacités supplémentaires, qui peuvent être utilisées pour injecter plus de trains.

Ces bénéfices ont motivé l’introduction du pilotage automatique dans les milieux assez homogènes et fermés : les métros. Des systèmes intégrés et propriétaires nommés CBTC y sont massivement utilisés. Pour autant, le CBTC n’est pas utilisable sur le réseau ferré national, car l’interopérabilité est obligatoire.

C’est ainsi que le pilotage automatique interopérable a été mis au point : c’est ERTMS/ATO. Cet autopilote fonctionne en tandem avec l’ATP ERTMS/ETCS, et fait pleinement partie du système ERTMS. Il est désormais intégré à la Spécification Technique d’Interopérabilité – Contrôle Commande et Signalisation.

Pour tirer le plein potentiel d’ERTMS/ATO, et porter une ligne à son potentiel maximal de capacité, deux éléments fondamentaux du système ferroviaire sont à moderniser. L’ATP d’une part, en passant à un niveau radio d’ERTMS/ETCS. Le TMS d’autre part, en utilisant des systèmes de gestion du trafic hautement automatisés. Ce triptyque ERTMS/ETCS niveau 2, TMS automatisé et ERTMS/ATO, deviendra incontournable ces prochaines années, pour faire du transport de masse sur le réseau ferré national, et ainsi contribuer au report modal vers le train.

Article suivant : ATO sous signalisation latérale

Pour aller plus loin

Les spécifications du système ERTMS/ETCS et ERTMS/ATO dans la bibliothèque.

Crédit photo de couverture : Alstom

Références :

[1] https://securite-ferroviaire.fr/la-securite-ferroviaire/comprendre-la-securite-ferroviaire
[2] https://www.ertms.net/wp-content/uploads/2021/07/ERTMS_Factsheet_8_UNISIG.pdf
[3] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016R0919
[4] https://voie-libre.com/wp-content/uploads/2024/02/DP-le-groupe-RATP-leader-mondial-du-metro-automatique.pdf
[5] https://www.ratp.fr/travaux-ete-rer/les-chiffres-cles-du-rer
[6] https://www.alstom.com/fr/press-releases-news/2017/5/alstom-a-debute-avec-succes-la-mise-en-service-du-pilotage-automatique-sur-le-rer-a
[7] https://voie-libre.com/wp-content/uploads/2022/12/List-of-CCS-Class-B-systems.pdf
[8] https://www.alstom.com/fr/press-releases-news/2023/11/alstom-remporte-un-contrat-de-300-millions-deuros-pour-equiper-2-lignes-rer-en-ile-de-france-avec-la-derniere-technologie-de-signalisation-nexteo
[9] https://www.alstom.com/fr/press-releases-news/2020/12/sncf-et-ses-partenaires-font-circuler-le-premier-train-semi-autonome
[10] https://railenium.eu/de-nouveaux-essais-reussis-pour-le-train-autonome/
[11] https://rail-research.europa.eu/system_pillar/why-a-ccs-focus/